Type de document : Article scientifique publié dans INRAE Productions animales
Auteurs : Alizée Chouteau, Catherine Disenhaus, Gilles Brunschwig
Extrait : De nombreux citoyens n’ont plus aucun lien avec le milieu agricole et/ou n’ont plus de membre de leur famille proche qui soit agriculteur. Les personnes qui choisissent de quitter les zones urbaines pour s’installer « à la campagne » sont parfois en conflit avec les agriculteurs en place, car le cadre ne correspond pas à l’idée qu’ils s’en étaient faite (cadre bucolique vs odeurs, bruits, routes salies…) (Grannec et al., 2013).
En parallèle, l’élevage souffre depuis quelques années d’un déficit d’image grandissant, alimenté par différents scandales qui ont largement ébranlé la confiance du public dans ces filières et contribué à développer certaines peurs alimentaires (Birlouez, 2018) (par exemple des vidéos tournées en élevage ou en abattoir avec des images choquantes pour le grand public, le scandale de la viande de cheval retrouvée dans des lasagnes 100 % bœuf…). Il faut ajouter à cela une évolution des mentalités, notamment une plus grande sensibilité au bien-être animal, et un développement de l’image de l’animal de compagnie comme animal de référence pour évaluer les relations avec les autres catégories animales, en particulier celles qui font l’objet d’une activité professionnelle d’élevage destiné à l’alimentation humaine (viande, lait, œufs) (Wolff, 2017 Delanoue, 2018a Fostier, 2019).
Le niveau de connaissance du grand public sur la façon dont sont produits les aliments qu’ils consomment est très faible comme l’a montré par exemple l’enquête conduite dans le projet ACCEPT (http://accept.ifip.asso.fr) : sur 2 000 citoyens majeurs français, 57 % affirmaient mal ou très mal connaître comment les animaux sont élevés en France (Dockès, 2017). Une enquête réalisée à l’échelle européenne en 2006 a montré que sur 1 007 français interrogés, seuls 12 % affirmaient bien connaître les conditions dans lesquelles les animaux sont élevés en France, et 57 % « un petit peu » (Commission Européenne, 2007). Les français interrogés étaient 63 % à vouloir être mieux informés sur la façon dont sont élevés les animaux aujourd’hui, et en 2015 dans un nouveau sondage, ils étaient 72 %. (Commission Européenne, 2016)
Les lycéens sont les futurs citoyens et consommateurs. C’est pourquoi leur compréhension des modes d’obtention des aliments, et notamment des produits animaux est un enjeu important pour le futur. Le travail présenté ici est la synthèse de plusieurs approches pour cerner comment l’enseignement en lycée général permet aux lycéens de mieux comprendre l’élevage (Chouteau et al., 2019). Dans un premier temps, il s’est agi de mieux connaître ce public et ses attentes vis-à-vis de l’élevage. Dans un second temps, nous nous sommes focalisés sur la place de l’élevage dans l’enseignement au lycée général, en analysant les ressentis des enseignants mais aussi les contenus des programmes scolaires et les ressources pédagogiques actuellement disponibles dans les manuels scolaires. Nous avons choisi de ne pas inclure dans l’étude l’enseignement agricole où les cours sur l’élevage sont naturellement plus développés. […]
Le bien-être des animaux d’élevage est devenu une préoccupation de premier plan du grand public ces cinq dernières années (Delanoue, 2018a). Au sein de l’Union Européenne (UE), l’avis de la population sur ce sujet a été évalué lors d’une enquête menée par la commission européenne en 2006 puis en 2015. En 2015, sur un millier de français interrogés, 98 % pensaient qu’il était important ou très important de protéger le bien-être des animaux d’élevage. Et 88 % pensaient qu’il faudrait mieux protéger le bien-être des animaux d’élevage en France, ce qui en fait un des pays avec les répondants les plus concernés par la question dans l’UE (82 % en moyenne sur tous les pays) (Commission Européenne, 2016).
En France, d’après l’enquête réalisée en 2014, 42 % des lycéens avaient une image négative des impacts de l’élevage sur le bien-être animal, le bien-être animal étant leur première préoccupation (pour 80 % d’entre eux) (Roguet et al., 2015). En 2018, ils étaient 63 % à penser que l’élevage n’est pas une activité respectueuse du bien-être animal le bien-être animal reste leur première préoccupation (Chouteau et al., 2018b).
Les élevages de volailles sont globalement les plus critiqués par les lycéens, avec en tête les élevages de canards et d’oies : « maltraitance pour le foie gras par exemple » suivis par ceux de poulets et dindes, puis les poules pondeuses, auxquels il est reproché le manque d’espace et le système d’élevage en cage : « Poulets : ils sont des milliers dans des hangars à s’entretouffer ». Les bovins allaitants et les porcs suivent, les lycéens étant marqués par l’idée d’un abattage violent de ces animaux « Tués de façon ignoble et parfois dépecés encore vivants ». Les vaches laitières sont d’après les lycéens élevées dans de meilleures conditions, car les éleveurs en prendraient mieux soin pour leur permettre de produire du lait. Les élevages caprins et ovins jouissent toujours d’une image assez positive auprès du grand public.