Type de document : Article des Rencontres Recherche Ruminants
Auteur : F. Jourdan
Résumé : Le XIXe siècle est marqué par un mouvement général de pacification des moeurs qui implique également la protection animale : construction des premiers abattoirs en périphérie des villes, interdiction des « tueries », apparition des premières organisations et législations de protection des animaux. Un siècle plus tard, ce processus d’« humanisation » de l’abattage se poursuit : les techniques d’étourdissement évoluent puis se généralisent dans la seconde moitié du XXe siècle, en parallèle du processus d’industrialisation des abattoirs. Cette dynamique d’invisibilisation et de pacification de l’abattage aboutit à un effacement de la mort des animaux d’élevage. Pour autant, les débats sur la question n’ont pas disparu. A l’inverse, ils se sont amplifiés et durcis depuis les années 2000 et la montée en puissance des mouvements animalistes. Sur la base d’une enquête dans une douzaine d’abattoirs et d’un corpus de 58 entretiens réalisés auprès d’acteurs des filières viandes, nous faisons l’hypothèse que l’intérêt croissant pour le bien-être animal s’inscrit dans le prolongement du processus d’effacement de la mort des animaux d’élevage. Il débouche d’un côté sur un verrouillage des abattoirs, de l’autre sur une « intensification » des techniques d’étourdissement, au point de transformer certaines d’entre elles en instrument d’abattage. Ces résultats nous amènent in fine à discuter de ce phénomène d’effacement séculaire à l’aune du concept d’anomie.