Type de document : Article publié dans Le Monde
Auteur : Mathilde Gérard
Extrait : Le navire transportant près de 1 800 bovins a accosté, jeudi soir, à Carthagène après trois mois en mer, sans avoir jamais pu atteindre sa destination finale. Au moins 180 animaux sont morts pendant ce voyage. […]
La triste odyssée des bovins de l’Elbeik rappelle celle de 895 veaux partis à la même date, le 18 décembre, de Carthagène, à bord d’un autre cargo, le Karim Allah, destination la Turquie. […]
Les trajectoires parallèles de ces deux navires sont symptomatiques des failles européennes en matière de transport maritime d’animaux destinés à l’exportation. « C’est un cas d’école, commente Adeline Colonat. Dès que les animaux quittent les ports européens, tout est hors de contrôle. » L’Union européenne (UE) exporte chaque année environ 3 millions de bovins et ovins par la mer vers des pays tiers, essentiellement au Moyen-Orient, où ils rejoignent des centres d’engraissement ou des abattoirs. Dans un rapport publié en mai 2020 sur le « bien-être des animaux exportés en mer », la Commission européenne reconnaissait d’importantes lacunes dans la réglementation de ce secteur : « Actuellement, ni les Etats membres ni la Commission ne disposent d’informations ou de statistiques sur l’état de santé et le bien-être des animaux pendant les voyages en mer », écrivait-elle.
Des ONG, dont Animals International, ou Welfarm en France, alertent depuis des années sur l’opacité de ces exportations. Elles dénoncent la faiblesse des contrôles vétérinaires au départ des ports européens et la vétusté des cargos agréés par l’UE, les bétaillers étant parmi les plus délabrés des navires de transport […]
Durant les trajets en mer, les animaux sont exposés à des risques thermiques, à des blessures dans des enclos inadaptés, et au manque de soins, car la législation n’impose pas de vétérinaire à bord. […] Pourtant, la réglementation européenne sur la protection animale est censée s’appliquer pendant toute la durée du transport, jusqu’au point d’arrivée. Ce principe a été réaffirmé par la Cour de justice européenne en 2015. Mais une fois à bord, les animaux disparaissent des radars.
L’opacité est telle que le Parlement européen a voté et mis sur pied une commission d’enquête sur le sujet, dont les travaux ont débuté en septembre 2020 et qui devrait rendre ses conclusions fin 2021.