Type de document : Article publié dans The Conversation
Auteur : Marie Sigaud
Extrait : La question du bien-être animal investit le débat public, comme l’atteste une loi récemment adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 29 janvier 2021, qui propose d’interdire les spectacles avec des animaux sauvages (dans les cirques ou les delphinariums). Mais cette proposition (très médiatisée) ne traite en réalité que très marginalement de la question de la captivité des animaux sauvages en France.
Elle ne concerne en effet que quelques dizaines d’espèces, alors que le commerce des animaux sauvages (aussi qualifiés d’exotiques) de compagnie représente chaque année des centaines de milliers d’animaux rien qu’en France, et constitue un marché de plusieurs milliards d’euros à l’échelle européenne.
Leur sort attire pourtant beaucoup moins l’attention des médias, du grand public et même des autorités. […]
La liste des espèces disponibles à la vente, plus ou moins légalement, est très longue. Prenons l’exemple des reptiles. Près du tiers des espèces existantes, soit plus de 3 000, peut être acheté sur Internet, et ce quel que soit leur statut de protection ou la fragilité des populations sauvages.
Un commerce peu réglementé
La liste des espèces disponibles à la vente, plus ou moins légalement, est très longue. Prenons l’exemple des reptiles. Près du tiers des espèces existantes, soit plus de 3 000, peut être acheté sur Internet, et ce quel que soit leur statut de protection ou la fragilité des populations sauvages.
En France, l’arrêté du 8 octobre 2018 fixe les règles générales de détention d’animaux non domestiques. On y trouve la liste des espèces soumises à une obligation de déclaration ou nécessitant un certificat de capacité. […]
Mais cet arrêté ne fixe aucune règle contraignante ou exigence minimum quant aux conditions de détention des individus. Outre l’impact sur la biodiversité, le développement de ce commerce florissant soulève la question, aujourd’hui de plus en plus légitime, de la souffrance des animaux exotiques détenus en captivité.
Or maintenir en captivité des animaux exotiques dans de bonnes conditions demande à la fois des installations adaptées, une connaissance approfondie de l’espèce – de son comportement et des caractéristiques de son environnement naturel – mais aussi un investissement important en temps.
Si les parcs zoologiques sont censés disposer d’installations adéquates et d’un personnel qualifié, les particuliers en revanche ont généralement des moyens beaucoup plus limités. Dans la grande majorité des cas, ils ne sont pas en mesure de fournir un environnement qui satisfasse les besoins élémentaires des animaux. […]
Le commerce et la détention d’animaux sauvages de compagnie vont de pair avec une banalisation de la souffrance animale et un taux de mortalité élevé. Certains chercheurs estiment que près de 75 % des reptiles meurent dès leur première année chez un particulier.
Ces chiffres s’ajoutent à une mortalité très importante tout le long de la filière de distribution : depuis le prélèvement dans la nature, pendant le transport – c’est aussi valable pour les individus issus de l’élevage – et jusqu’à l’arrivée chez un particulier. Pour les reptiles, une mortalité de près de 70 % a été relevée chez certains « grossistes » du secteur.
En 1992, il était estimé que pour 700 000 oiseaux prélevés en nature et arrivés vivants chaque année aux États-Unis, cinq fois plus étaient morts au cours du processus. Ce commerce représente un énorme gâchis qui en plus de banaliser la souffrance de ces animaux, a de graves conséquences sur la biodiversité et pose des problèmes de santé publique. […]
À l’heure actuelle en France, une longue liste d’espèces est soumise à obligation de déclaration ou à certificat de capacité. Ainsi, les espèces absentes de cette liste ne sont soumises à aucune restriction. […]
Une avancée consisterait à inverser la logique actuelle en mettant en place une liste positive qui spécifierait un nombre réduit d’espèces autorisées à la détention par des particuliers. Il serait beaucoup plus simple pour les autorités de contrôler le commerce et pour les particuliers de se former sur ces espèces et d’avoir les moyens réels de prendre soin de leurs animaux. Cette solution plébiscitée par de nombreux experts et associations est déjà à l’œuvre dans certains pays.