Type de document : Article publié dans Pig333
Auteur : Sandra Edwards
Extrait en français (traduction) : Les différents leviers permettant d’améliorer le bien-être des animaux d’élevage
Comment se concrétise la demande croissante d’amélioration du bien-être des animaux dans les exploitations agricoles ?
Historiquement, le bien-être des animaux d’élevage était l’apanage des agriculteurs, qui étaient motivés pour prendre soin de leurs animaux par un lien personnel avec les animaux dont ils avaient la charge et par la fierté professionnelle qu’ils tiraient de leur travail. Ils étaient également conscients que le bien-être de leurs animaux était récompensé par une bonne production. La situation a commencé à changer lorsque la demande de nourriture en quantité et bon marché de l’après-guerre a conduit à augmenter la taille des exploitations et à adopter des méthodes de production plus efficaces qui, dans les années 1960, ont commencé à susciter des inquiétudes dans le grand public. Ces préoccupations ont été soulignées par la publication en 1964 du livre de Ruth Harrison intitulé « Animal Machines« , qui a fait du bien-être des animaux d’élevage une question politique importante. La réponse du gouvernement britannique a été de créer une commission parlementaire et, à la suite de son rapport, d’instituer des lois visant spécifiquement à protéger le bien-être des animaux d’élevage. Quelques autres pays, notamment en Scandinavie, ont adopté des législations encore plus avancées, et les préoccupations du public se sont accrues dans toute l’Europe. Le désir d’harmoniser la législation et d’éviter les déséquilibres commerciaux a donné lieu à la première initiative supranationale – la « Convention européenne sur la protection des animaux d’élevage », publiée en 1976 par le Conseil de l’Europe. Bien que cette convention ne soit pas juridiquement contraignante, la Communauté économique européenne, puis l’Union européenne, ont commencé, à partir des années 1990, à publier de plus en plus de directives concernant les exigences minimales en matière de bien-être des animaux d’élevage, que tous les États membres étaient tenus de transposer dans leur réglementation nationale.
L’opinion publique
Ce processus continu a été soutenu par le renforcement de l’opinion publique. Dans l’enquête Eurobaromètre de 2015 sur les attitudes des Européens à l’égard du bien-être animal, 82 % des personnes interrogées ont déclaré que le bien-être des animaux d’élevage devrait être mieux protégé qu’il ne l’est actuellement, avec un renforcement de la force de cette opinion depuis l’enquête précédente de 2006. La pression en faveur d’un renforcement de la législation a été maintenue par un fort lobbying des ONG de protection animale. La campagne actuelle menée par l’Eurogroup for Animal Welfare pour « mettre fin à l’âge de la cage », a été lancée par une initiative citoyenne européenne lancée en 2018 qui a obtenu 1,4 million de signatures de citoyens à travers l’UE. Cette initiative a récemment été adoptée en tant que résolution par la Commission de l’agriculture du Parlement européen et a fait l’objet d’un débat parlementaire complet en juin 2021. Les députés ont demandé à la Commission européenne de présenter des propositions législatives visant à interdire l’élevage en cage dans l’UE, éventuellement dès 2027, après une période de transition appropriée et après la réalisation d’une solide étude d’impact scientifique. La résolution à cet effet a été adoptée par 558 voix pour, 37 contre et 85 abstentions. En réponse à cette pression publique et politique, la Commission européenne procède actuellement à un « Fitness check » de la législation européenne sur le bien-être des animaux d’élevage afin d’évaluer la nécessité et l’impact potentiel d’une nouvelle législation. La même tendance se manifeste en Amérique du Nord, avec la promotion d’initiatives d’États américains visant à renforcer la législation sur le bien-être des animaux. L’exemple actuel le plus médiatisé est la proposition 12 soutenue par la Humane Society of the United States et approuvée par les électeurs californiens en 2018, qui s’appuie sur le succès de la proposition 12 antérieure. Des initiatives similaires dans d’autres États ont jusqu’à présent moyennement réussi à se concrétiser sur les bulletins de vote, mais ont donné lieu à un dialogue croissant entre les ONG, les politiciens et les filières sur la manière de progresser dans ce domaine.
Des approches orientées vers le marché
Cependant, pour de nombreux citoyens, la législation est à la fois trop lente à mettre en œuvre les changements et trop conservatrice dans ses aspirations. Face à la centralisation croissante des chaînes d’approvisionnement alimentaire et au pouvoir commercial grandissant d’un nombre relativement restreint de grands détaillants alimentaires, une approche orientée vers le marché a connu un succès notable. Une tactique est de se concentrer sur les politiques de responsabilité sociale des grandes entreprises tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, comprenant les producteurs et fabricants de denrées alimentaires, les grossistes, les détaillants et le secteur des services alimentaires. En mettant en évidence leurs politiques et leurs performances en matière de bien-être animal au moyen d’outils tels que le Business Benchmark on Farm Animal Welfare, les ONG cherchent à faire évoluer les normes de bien-être animal en exerçant une pression en cascade sur la chaîne d’approvisionnement. Une deuxième approche pour exploiter le pouvoir des forces du marché a été l’introduction de labels de produits mettant l’accent sur le bien-être animal. Cette approche a été adoptée à la fois par les ONG et par l’industrie elle-même. Depuis le lancement en 1994 de l’une des premières initiatives à grande échelle des ONG, le programme britannique « Freedom Food« , aujourd’hui rebaptisé « RSPCA Assured« , un certain nombre d’autres programmes nationaux se sont développés en association avec des ONG européennes et américaines. On peut citer les programmes néerlandais « Beter Leven » et allemand « Für Mehr Tierschutz« , ainsi que les programmes américains « Certified Humane » et « American Humane Certified« . L’industrie a réagi en adoptant davantage de normes de bien-être animal dans le cadre de ses propres programmes de certification agricole, comme le programme britannique « Red Tractor« , en collaborant au développement de programmes de bien-être animal dirigés par l’industrie, comme le programme allemand « Tierwohl« , le programme américain « Global Animal Partnership » ou les programmes espagnols « IAWS » et « Welfair™« , ou en adoptant des codes de pratiques intégrés à la certification des produits, comme ceux élaborés par le National Farm Animal Care Council au Canada. Un certain nombre de systèmes de labellisation proposent désormais l’identification de différents niveaux de bien-être, les niveaux inférieurs reflétant les bonnes pratiques de l’industrie dans les systèmes intensifs actuels, tandis que les niveaux supérieurs désignent des systèmes de production plus extensifs avec des caractéristiques telles que l’accès à l’extérieur. Cette approche a également été adoptée récemment comme outil de politique gouvernementale ; en 2017, le gouvernement danois a lancé le label « Bedre Dyrevelfærd » avec 3 niveaux de bien-être indiqués par le nombre de cœurs verts sur l’étiquette, permettant ainsi aux consommateurs de faire un choix personnalisé concernant l’équilibre entre le bien-être et le coût. En raison de la confusion potentielle associée à un si grand nombre de labels différents, la Commission européenne a annoncé, dans le cadre de sa stratégie « de la ferme à la table », qu’elle examinerait les possibilités d’un futur étiquetage du bien-être animal à l’échelle de l’UE, une approche déjà adoptée pour la certification des aliments biologiques. Le succès de tels systèmes d’étiquetage repose sur la capacité des consommateurs à comprendre et à faire confiance aux étiquettes, et sur leur volonté à payer plus cher pour un produit à haut niveau de bien-être. Dans l’enquête Eurobaromètre de 2015 :
– 35 % des personnes interrogées ont déclaré être prêtes à payer jusqu’à 5 % de plus pour des produits issus de systèmes de production respectueux du bien-être animal,
– seuls 8 % étaient prêts à payer plus de 10 %,
– et 35 % n’étaient pas du tout disposés à payer un prix supplémentaire.
Il faut également reconnaître que les réponses à ces enquêtes ne reflètent pas toujours le comportement d’achat réel des répondants, ce qui signifie que la plupart des labels de bien-être animal supérieur restent une opportunité de marché de niche.
A l’avenir, il faut donc s’attendre à une nouvelle législation fixant les normes minimales acceptables en matière de bien-être des animaux d’élevage, associée à des programmes de certification agricole gérés par l’industrie, qui assurent la surveillance par une tierce partie des bonnes pratiques commerciales dans un large secteur de la population agricole, ainsi qu’à des labels de produits variés qui donnent aux consommateurs la possibilité de soutenir des initiatives en faveur du bien-être des animaux à travers leurs choix d’achat. Une telle approche à multiples facettes de l’amélioration du bien-être correspond aux souhaits des citoyens de l’UE; dans l’enquête Eurobaromètre de 2015, 43 % ont déclaré que le bien-être des animaux d’élevage devrait être géré conjointement par les entreprises et les pouvoirs publics, tandis que 40 % estimaient qu’il s’agissait d’une question concernant tous les citoyens qui devrait être réglementée par les pouvoirs publics et seulement 12 % pensaient qu’il fallait laisser cette question aux forces du marché.
Extrait en anglais (original) : How is the growing demand for greater animal welfare on farms articulated?
Historically, the welfare of farm animals was the preserve of farmers, who were motivated to look after their animals well by both a personal bond with the animals in their care and professional pride in their job. There was also an awareness that good welfare for their animals was rewarded by good production. The scene started to change as the post-war drive for plentiful cheap food led to an increase in the scale of farms and adoption of more efficient methods of production which, by the 1960s, began to raise concerns amongst the general public. These were highlighted by the publication in 1964 of Ruth Harrison’s book ‘Animal Machines’, which made farm animal welfare an important political issue. The UK government response was to set up a parliamentary committee and, following their report, to institute laws specifically to protect the welfare of farm animals. A few other countries, notably in Scandinavia, had even earlier legislation, and public concerns were growing across Europe. A consequent desire to harmonise legislation and avoid trade imbalances resulted in the first supra-national initiative – the “European Convention for the Protection of Animals kept for Farming Purposes” published in 1976 by the Council of Europe. Whilst this was not legally binding, the European Economic Community, subsequently the European Union, began from the 1990s to issue progressively more Directives regarding minimum requirements for farm animal welfare which all member states were required to implement in their national legislation.
Public opinion
This ongoing process has been supported by strengthening public opinion. In the 2015 Eurobarometer survey of attitudes of Europeans towards animal welfare, 82% of respondents stated that the welfare of farmed animals should be better protected than was currently the case, with an increase in the strength of this view since the previous 2006 survey. The pressure for increasing legislation has been maintained by strong lobbying from animal welfare NGOs. The current campaign spearheaded by the Eurogroup for Animal Welfare to ‘End the Cage Age’, was enacted through a European Citizens Initiative launched in 2018 which achieved 1.4 million signatures from citizens across the EU. This was recently adopted as a resolution by the Agriculture Committee of the European Parliament and went through full Parliamentary debate june 2021. The MEPs asked the EU Commission to come up with legislative proposals to ban caged farming in the EU, possibly already by 2027, following an appropriate transition period and after a solid scientific impact assessment has been carried out. The resolution to this end was adopted with 558 votes in favour, 37 against and 85 abstentions. In response to such public and political pressure, the European Commission is currently carrying out a ‘Fitness check’ of the EU farm animal welfare legislation to assess the need for, and potential impact of, new legislation. The same trend is occurring in North America, with the promotion of US State initiatives seeking to increase animal welfare legislation. The most high profile current example is Proposition 12 supported by the Humane Society of the United States and approved by voters in California in 2018, which built on the success of the earlier Proposition 2. Similar initiatives in other states have so far had mixed success in getting onto ballots, but have resulted in increasing dialogue between NGOs, politicians and industry on how to make progress in this area.
Market-focussed approaches
However, for many people in society legislation is both too slow to implement change and too conservative in its aspirations. With the growing centralisation of food supply chains and increasing market power of a relatively small number of major food retail outlets, a market-focussed approach has shown notable success. One tactic focusses on the Corporate Social Responsibility policies of major businesses across the food supply chain, including food producers and manufacturers, wholesalers, retailers and the food service sector. By highlighting their animal welfare policies and performance through such tools as the Business Benchmark on Farm Animal Welfare, NGOs seek to achieve change in animal welfare standards by pressure cascading down the supply chain. A second approach to harness the power of the market forces has been the introduction of product labels with a specific animal welfare focus. This approach has been adopted by both NGOs and by industry itself. Since the launch in 1994 of one of the earliest large scale NGO initiatives, the UK ‘Freedom Food’ scheme now rebranded as ‘RSPCA Assured’, a number of other national schemes have developed in association with European and American NGOs. Examples include the Dutch ‘Beter Leven’ and German ‘Für Mehr Tierschutz’ schemes, and the American ‘Certified Humane’ and ‘American Humane Certified’ schemes. The industry has responded by increasing adoption of animal welfare standards within its own wider Farm Assurance Schemes, such as the UK ‘Red Tractor’ scheme, by collaborating in the development of industry-led animal welfare schemes such as the German ‘Tierwohl’, the American ‘Global Animal Partnership’ schemes or the Spanish “IAWS” and “Welfair™” , or through adoption of Codes of Practice built in to product certification, such as developed by the National Farm Animal Care Council in Canada. A number of the label schemes now offer identification of different tiers of welfare, with lower tiers reflecting good industry practice in current intensive systems, whilst higher tiers denote more extensive production systems with features such as outdoor access. This approach has also recently been adopted as a government policy tool; in 2017 the Danish government launched the ‘Bedre Dyrevelfærd’ label with 3 welfare levels denoted by the number of green hearts on the label, making it possible for consumers to make a personalised choice regarding the balance of welfare and cost. Because of the potential confusion associated with so many different labels, the European Commission has announced as part of its current Farm to Fork Strategy that it will consider options for future EU-wide animal welfare labelling, an approach already adopted in relation to organic food certification. The success of such labelling schemes relies on the ability of consumers to understand and trust the labels, and their willingness to pay more for high welfare product. In the 2015 Eurobarometer survey:
– 35% of respondents said that they were prepared to pay up to 5% more for products sourced from animal welfare-friendly production systems
– only 8% were ready to pay more than 10%,
– and 35% were unwilling to pay any extra price at all.
It must also be acknowledged that such survey responses do not always reflect respondents actual purchasing behaviour, meaning that most higher welfare labels remain a niche market opportunity.
Looking to the future, the picture is therefore one whereby we can expect further legislation which sets the minimum acceptable standards for farm animal welfare, in conjunction with industry-managed farm assurance schemes which provide third party oversight of good commercial practice across a wide sector of the farm population, and varied product labels which provide consumers with the opportunity to support higher welfare initiatives through their purchasing choices. Such a multi-faceted approach to welfare improvement matches the wishes of EU citizens; in the 2015 Eurobarometer survey, 43% said that the welfare of farmed animals should be handled jointly between businesses and public authorities, while 40% believed it to be a matter for all citizens which should be regulated by the public authorities and only 12% believed that it should be left to market forces.