Type de document : Tribune publiée dans Le Monde (édition abonnés)
Auteur : Loïc Dombreval
Texte intégral (à ne pas diffuser) : Les vidéos clandestines montrent une réalité qu’il est nécessaire de dénoncer pour ne pas pénaliser les éleveurs vertueux et ne pas déstabiliser les consommateurs, relève, dans une tribune au « Monde », Loïc Dombreval, vétérinaire et député LRM.
[ Certains parlementaires ont vu dans la loi de « sécurité globale », adoptée définitivement le 15 avril 2021, l’occasion de proposer des amendements sur les conditions d’élevage et d’abattage en France. « Accepteriez-vous une caméra dans votre salle de bains pour vérifier si vous arrêtez bien le robinet quand vous vous brossez les dents ? Non ! » : tel est l’argument prononcé en séance par le sénateur Laurent Duplomb (LR) pour faire adopter son amendement visant à renforcer les sanctions en cas d’intrusion dans les exploitations agricoles ou les locaux industriels.
Pour M. Duplomb et les parlementaires ayant voté cet amendement proposant de pénaliser ces actes à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, les vidéos illégales en élevage se résument à une problématique de propriété privée. Le 21 mai 2021, cette disposition a finalement été jugée inconstitutionnelle. Au-delà des motifs techniques et juridiques ayant conduit à son abandon, il est aujourd’hui temps de s’interroger collectivement et de répondre à ces tournages clandestins plus globalement qu’au travers du prisme de l’illégalité et de la violation de la propriété privée.
Force est de constater que ces vidéos ont démontré qu’elles étaient bien plus que des images fallacieuses et clandestines. Chacune d’elles a entraîné à sa diffusion un séisme médiatique et a progressivement conduit à une crise de confiance entre les Français et les modalités d’élevage et d’abattage des animaux.
Les vidéos ont permis une prise de conscience
Elles ont également servi de socle à la mise en place de mesures administratives et d’enquêtes : fermeture administrative de l’abattoir d’Alès [Gard] et lancement d’une enquête en 2015, suspension immédiate par Didier Guillaume, alors ministre de l’agriculture, d’un abattoir du Boischaut [Indre] en 2018, puis en 2020 à Rodez, enquête administrative dans un élevage de cailles en 2019 dans la Drôme, suspension de l’agrément préfectoral d’un abattoir dans le Cher en 2020.
Ces vidéos ont été prises en compte et traitées par le ministère de l’agriculture et par notre justice parce qu’elles sont plus qu’une violation de la propriété privée : elles révèlent aussi des pratiques d’élevage et d’abattage en infraction avec notre droit. Ce sont des images captées clandestinement et illégalement mettant au jour des pratiques d’élevage elles-mêmes illégales, pratiques illégales finalement sanctionnées par l’administration. [suite de l’article réservé aux abonnés]