Type de document : Article publié dans Ouest France
Auteur : Christophe Violette
Extrait : La France sera, dès l’an prochain, le premier pays au monde, avec l’Allemagne, à mettre fin à cette pratique controversée. Solution : le sexage des embryons, bien avant l’éclosion.
Chaque année, en France, environ 50 millions de poussins mâles sont éliminés, après leur éclosion dans les couvoirs. Éliminés, parce qu’inutiles dans une filière essentiellement centrée sur la production d’œufs, donc de poules. Une pratique régulièrement source de polémiques.
« L’année 2022 sera l’année de la fin du broyage et du gazage des poussins mâles. La France sera ainsi le premier pays au monde, avec l’Allemagne, à mettre fin à l’élimination des poussins mâles », » annonce signée, cet été, par Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture. Qui l’envisageait déjà l’automne dernier.
Sexage dans l’œuf
Les deux pays, depuis plus d’un an, ont beaucoup travaillé sur la fin de cette pratique d’élimination, afin de répondre à une attente forte de la part des consommateurs et des associations de protection animale. Des alternatives à l’élimination des poussins mâles ont été mises en place dans les deux pays partenaires, en estimant les investissements nécessaires dans les entreprises d’accouvage. La solution technique : des machines de sexage in ovo, permettant de déceler dans l’œuf le sexe du futur poussin.
Ces technologies, conçues par deux entreprises allemandes, sont déjà à l’œuvre en France. Seleggt offre une solution qui permet un sexage de l’œuf incubé dès le 9e jour. Tandis que AAT propose un sexage de l’œuf à partir du 13e jour. Dès février 2020, l’enseigne Carrefour annonçait la mise sur le marché des premiers œufs issus de poules sexées à sa marque, en partenariat avec Loué et AAT.
10 millions d’aides pour 64 millions de surcoûts
En France, le Conseil d’État sera saisi, dès la fin de l’été, d’un projet de décret précisant, qu’au 1er janvier 2022, tous les couvoirs devront avoir installé ou commandé ces machines, précise le gouvernement. Pour accompagner la filière dans ces nouveaux investissements, il avance une aide de 10 millions d’euros (dans le cadre du plan France Relance. Par ailleurs, France et Allemagne plaideront pour que ce plan soit déployé à l’ensemble de l’Union européenne. Afin d’éviter les distorsions de concurrence.
Mais les comptes ne sont pas bons, estiment les groupements de producteurs bretons, loin de là. Si l’UGPVB se félicite « des 10 millions pour moderniser les couvoirs », elle déplore « l’absence totale de dispositif opérationnel en place pour assumer les surcoûts annuels liés à l’usage généralisé de cette technique » , qu’elle estime à… 64 millions d’euros par an ! De plus, l’UGPVB le redoute, la grande distribution « ne compensera jamais durablement l’impact estimé de 2 à 8 centimes sur une boîte de six œufs ». » Enfin l’UGPVB réclame « l’imposition de barrières commerciales » pour les pays tiers comme l’Ukraine.
De son côté, l’association Welfarm « salue ces initiatives importantes ». Elle rappelle toutefois que le sexage in ovo doit être réalisé au plus tôt, c’est-à-dire avant sept jours d’incubation. « Les recherches actuelles permettent d’affirmer que l’embryon ne ressent aucune douleur jusqu’à six jours. » Selon Ghislain Zuccolo, de Welfarm, « ce sont 300 millions de poussins mâles qui sont détruits, une fois éclos, chaque année, en Europe. C’est l’illustration du productivisme poussé à son paroxysme ». »