Type de document : Article scientifique publié dans Psychoneuroendocrinology
Auteurs : Narjis Kraimi, Flore Lormanta, Ludovic Calandreau, Florent Kempf, Olivier Zemb, Julie Lemarchand, Paul Constantin, Céline Parias, Karine Germain, Sylvie Rabot, Catherine Philippe, Aline Foury, Marie-Pierre Moisan, Anaïs Vitorino Carvalho, Vincent Coustham, Hugues Dardente, Philippe Velge, Thierry Chaumeil, Christine Leterrier
Résumé en français : Microbiote et stress : Une boucle qui a un impact sur la mémoire
Le stress chronique et le microbiote intestinal semblent constituer une boucle de rétroaction qui contribue au développement de troubles dépressifs. Des données suggèrent que la mémoire peut également être altérée par un stress chronique ou un déséquilibre du microbiote. Cependant, il reste à établir si ces éléments pourraient faire partie d’un modèle de boucle intégrée et être responsables de troubles de la mémoire. Pour élucider cette question, nous avons utilisé une approche à deux volets chez la caille japonaise : Nous avons d’abord caractérisé les altérations du microbiote intestinal induites par le stress, puis nous avons vérifié si ce microbiote altéré pouvait affecter les fonctions cérébrales et mnésiques lorsqu’il était transféré à un hôte sans germe. Le microbiote cæcal de cailles soumises à un stress chronique s’est avéré être significativement différent de celui d’individus non stressés, avec une diversité α et β plus faible et une abondance accrue de Bacteroidetes largement représentée par le genre Alistipes, une cible de stress bien connue chez les rongeurs et les humains. Le transfert de ce microbiote altéré dans des cailles axéniques a diminué leurs capacités de mémoire spatiale et de mémoire basée sur les indices, comme cela avait été démontré précédemment chez les donneurs stressés. Les receveurs ont également présenté un comportement de type anxieux accru, des niveaux plasmatiques de corticostérone basaux réduits et une expression génétique différentielle dans le cerveau. De plus, le transfert du microbiote cæcal d’un individu stressé de façon chronique a été suffisant pour imiter l’impact négatif du stress chronique sur la mémoire des hôtes receveurs et cette action pourrait être liée au genre Alistipes. Nos résultats apportent la preuve d’un système de boucle de rétroaction reliant l’axe microbiote-intestin-cerveau au stress et à la fonction mémorielle et suggèrent que le maintien d’un microbiote sain pourrait contribuer à atténuer les troubles de la mémoire liés au stress chronique.
Résumé en anglais : Chronic stress and the gut microbiota appear to comprise a feed-forward loop, which contributes to the development of depressive disorders. Evidence suggests that memory can also be impaired by either chronic stress or microbiota imbalance. However, it remains to be established whether these could be a part of an integrated loop model and be responsible for memory impairments. To shed light on this, we used a two-pronged approach in Japanese quail: first stress-induced alterations in gut microbiota were characterized, then we tested whether this altered microbiota could affect brain and memory function when transferred to a germ-free host. The cecal microbiota of chronically stressed quails was found to be significantly different from that of unstressed individuals with lower α and β diversities and increased Bacteroidetes abundance largely represented by the Alistipes genus, a well-known stress target in rodents and humans. The transfer of this altered microbiota into germ-free quails decreased their spatial and cue-based memory abilities as previously demonstrated in the stressed donors. The recipients also displayed increased anxiety-like behavior, reduced basal plasma corticosterone levels and differential gene expression in the brain. Furthermore, cecal microbiota transfer from a chronically stressed individual was sufficient to mimic the adverse impact of chronic stress on memory in recipient hosts and this action may be related to the Alistipes genus. Our results provide evidence of a feed-forward loop system linking the microbiota-gut-brain axis to stress and memory function and suggest that maintaining a healthy microbiota could help alleviate memory impairments linked to chronic stress.
Article ayant donné lieu à un communiqué de presse d’INRAE le 22 novembre 2021 : Quand le microbiote intestinal joue le médiateur entre le stress et la mémoire