Type de document : Réponse écrite publié au Journal officiel de la République française
Auteurs : Question : André Villiers (UDI et Indépendants – Yonne). Réponse : Ministère de l’agriculture et de l’alimentation
Question : M. André Villiers interroge M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur l’abattage des animaux d’élevage. Le 17 décembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’il est conforme à la réglementation européenne d’imposer l’étourdissement préalable d’un animal, lors de son abattage, cela afin de limiter sa souffrance. Sa décision a été rendue à la suite d’un décret de 2017, pris par la Région flamande de Belgique, précisément au nom du bien-être animal. En cohérence avec cette décision, il serait opportun d’interdire, en France, de procéder à l’abattage par égorgement, des animaux d’élevage et domestiques sans étourdissement préalable, et de se conformer ainsi à la jurisprudence européenne. Il souhaite connaître la position du Gouvernement à ce sujet.
Réponse : Conformément au règlement (CE) n° 1099/2009 du conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux aux moment de leur mise à mort, l’étourdissement des animaux est obligatoire avant l’abattage ou la mise à mort. Toutefois, lorsque cette pratique n’est pas compatible avec les prescriptions rituelles relevant du libre exercice des cultes, le même règlement prévoit la possibilité de déroger à l’obligation d’étourdissement sous certaines conditions. Par ces dispositions, le conseil a souhaité maintenir la dérogation à l’étourdissement des animaux préalablement à l’abattage en laissant toutefois un certain degré de subsidiarité à chaque État membre. C’est notamment ce que rappelle la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans son jugement du 17 décembre 2020, lorsqu’elle souligne « que le législateur européen a entendu laisser à chaque État membre un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de la nécessité de concilier la protection du bien-être des animaux lors de leur mise à mort et le respect de la liberté de manifester sa religion ».
Par ailleurs, si la CJUE a estimé que l’interdiction de l’abattage sans étourdissement préalable ne méconnaît pas la liberté des pratiquants juifs et musulmans, elle reconnaît néanmoins qu’il s’agit d’une « limitation » à l’exercice de la liberté de conscience et de religion garanti par l’article 10 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Toutefois, cette limitation n’est pas jugée disproportionnée par la CJUE qui considère que, dans le cas de la région flamande, il s’agit d’un « juste équilibre » entre l’importance attachée au bien-être animal et la liberté des croyants juifs et musulmans de manifester leur religion. Ce juste équilibre est notamment assuré par le fait que le décret pris par l’autorité flamande n’interdit pas, ni n’entrave la mise en circulation de produits d’origine animale provenant d’animaux qui ont été abattus rituellement sans aucun étourdissement lorsque ces produits sont originaires d’un autre État membre ou d’un pays tiers.
Ainsi, bien que la région flamande de Belgique ait interdit l’abattage des animaux sans étourdissement préalable, les communautés religieuses de cette région n’ont pas pour autant cessé de consommer des viandes issues d’animaux abattus sans aucun étourdissement, notamment des viandes halals dont la production a été délocalisée à l’étranger, y compris en France. Le « juste équilibre » entre impératif de protection animale et liberté de culte ne saurait être atteint en France par l’interdiction de l’abattage sans étourdissement préalable, compte tenu de communautés religieuses pratiquantes juives et musulmanes beaucoup plus importantes qu’en Flandres et pour lesquelles une source d’approvisionnement national en viandes issues d’abattages rituels est nécessaire. Enfin, l’abattage sans étourdissement préalable des animaux en France est encadré par une autorisation préfectorale prévue par le décret n° 2011-2006 du 28 décembre 2011. Ce mode d’abattage est notamment effectué dans un abattoir agréé, après immobilisation de l’animal et en respectant des mesures strictes en matière de protection animale afin de réduire les souffrances lors de la mise à mort des animaux. Le Gouvernement reste attaché aux droits de tous les citoyens dans le cadre du respect des réglementations en vigueur. Le ministre chargé de l’agriculture a enfin rappelé au début du mois de juillet 2021 son engagement concernant la protection animale et a annoncé un « plan abattoir » qui prévoit des mesures d’accompagnement et de contrôles améliorés en matière de bien-être animal.