Type de document : réponse écrite publiée au Journal officiel du Sénat
Auteurs : question : Jean-Louis Masson (Moselle – NI). Réponse : Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Question : Sa question écrite du 16 septembre 2021 n’ayant pas obtenu de réponse sous la précédente législature, M. Jean Louis Masson attire à nouveau l’attention de M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer sur le fait qu’un colloque « Vétérinaire, professionnel garant du bien-être animal » s’est tenu au Sénat le 24 novembre 2015. Au cours de ce colloque, l’ordre des vétérinaires français a clairement rappelé le principe selon lequel « tout animal abattu doit être privé de conscience d’une manière efficace, préalablement à son égorgement ». De son côté, la fédération vétérinaire européenne demande « l’étourdissement pour tous, sans exception ». Or l’abattage rituel est autorisé en France sous prétexte de favoriser des pratiques religieuses d’une très grande cruauté et qui relèvent d’un autre âge. Ainsi, l’égorgement d’un gros bovin dure de sept à dix minutes avant la perte de conscience de l’animal, c’est horrible. En fait, l’abattage rituel est une regrettable dérogation aux règles générales de l’abattage classique, qui imposent un étourdissement préalable des animaux avant leur saignée (directive européenne n° 93/119 et article R. 214-70 du code rural). Pire, certains abattoirs ne pratiquent plus l’étourdissement des animaux, alors même que la viande concernée n’est pas exclusivement destinée aux consommateurs israélites et musulmans. Cet état de fait, parfaitement connu des autorités françaises, est une infraction aux règles régissant l’abattage des animaux de consommation. En réponse à une précédente question écrite du 28 septembre 2017, il lui a cependant indiqué qu’en application d’une décision de la cour de justice de l’Union européenne, l’abattage rituel relevait de la notion de « rite religieux » et du champ d’application de la liberté de religion ce qui selon la réponse ministérielle ne permettait pas de prendre les mesures adéquates. Toutefois plusieurs pays membres de l’Union européenne ont interdit l’abattage par égorgement à vif des animaux de boucherie, il lui demande pourquoi cette interdiction serait compatible avec le droit européen dans certains pays et pas dans le cas de la France.
Réponse : Conformément au règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, l’étourdissement des animaux est obligatoire avant l’abattage ou la mise à mort. Toutefois, lorsque cette pratique n’est pas compatible avec les prescriptions rituelles relevant du libre exercice des cultes, le même règlement prévoit la possibilité de déroger à l’obligation d’étourdissement sous certaines conditions. Par ces dispositions, le Conseil européen a souhaité maintenir la dérogation à l’étourdissement des animaux préalablement à l’abattage en laissant toutefois un certain degré de subsidiarité à chaque État membre. C’est notamment ce que rappelle la Cour de justice de l’Union européenne dans son jugement du 17 décembre 2020, lorsqu’elle souligne « que le législateur européen a entendu laisser à chaque État membre un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de la nécessité de concilier la protection du bien-être des animaux lors de leur mise à mort et le respect de la liberté de manifester sa religion ». L’abattage sans étourdissement préalable des animaux en France est encadré par une autorisation préfectorale prévue par le décret n° 2011-2006 du 28 décembre 2011. Pour écarter les risques d’abus dans la pratique de l’abattage sans étourdissement, l’autorisation à déroger à l’obligation d’étourdissement n’est délivrée qu’aux abattoirs qui justifient de la présence d’un matériel adapté permettant d’immobiliser l’animal jusqu’à la perte de conscience, d’un personnel dûment formé et habilité à réaliser un abattage rituel, de procédures garantissant des cadences et un niveau d’hygiène adaptés, ainsi que d’un système d’enregistrement permettant de vérifier qu’il n’est recouru à l’abattage sans étourdissement préalable qu’à raison de ventes ou de commandes commerciales qui le justifient. Cette dérogation peut être suspendue ou retirée par les services de l’État en cas de méconnaissance ou de non-respect des conditions de l’autorisation ou des dispositions réglementaires. La France garantit ainsi avec un cadre clair, aux organismes certificateurs la possibilité de répondre à l’ensemble des exigences cultuelles. Le Gouvernement reste attaché aux droits de tous les citoyens dans le cadre du respect des réglementations en vigueur. C’est pour cette raison que le ministère chargé de l’agriculture a initié en juillet 2021 un « plan abattoir » pour une stricte application des exigences réglementaires, y compris celles concernant la protection animale lors d’abattage rituel sans étourdissement.