Type de document : article publié dans Le Monde
Auteur : Le Monde avec AFP
Extrait : Deux vaccins expérimentés en France se sont avérés « très efficaces » pour prémunir des canards de la grippe aviaire, ont rapporté l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et le ministère de l’agriculture, jeudi 25 mai, ouvrant la voie à une vaccination nationale. Après une accalmie d’un mois et demi, le virus a recommencé à flamber depuis début mai dans le Sud-Ouest, contaminant plus de soixante-dix élevages, notamment dans le Gers.
A chaque fois, les animaux infectés (principalement des palmipèdes) sont abattus, des abattages préventifs d’animaux sains à proximité sont décidés, et la production de volaille est durablement perturbée. La répétition et l’ampleur des crises liées à la grippe aviaire (plus de vingt millions de volailles abattues en 2021-2022 en France, déjà plus de six millions en 2022-2023) ont convaincu les pays européens d’imaginer une stratégie vaccinale.
En France, une expérimentation a été lancée l’an dernier autour de deux candidats vaccins élaborés par les laboratoires Boehringer Ingelheim et Ceva Santé Animale. Ils visent à protéger les canards mulards, élevés pour le foie gras, du virus. Des voisins européens testent des vaccins sur d’autres espèces de volaille.
La transmission directe « presque stoppée », l’indirecte « abolie »
L’expérimentation française a impliqué quelques milliers de canards, vaccinés ou non. Ils ont été euthanasiés à l’issue du processus. Les « résultats favorables apportent des garanties suffisantes pour lancer une campagne de vaccination dès l’automne 2023 », a écrit le ministère de l’agriculture sur son site Internet.
Le virus circulant en France et dans le monde a été inoculé à une fraction des canards, préalablement vaccinés, pour mesurer à quel point ils excrétaient du virus, et s’ils pouvaient encore contaminer leurs congénères. « La vaccination a permis d’avoir très peu d’excrétions du virus chez les animaux inoculés », que ce soit par voie respiratoire ou digestive, a résumé Béatrice Grasland, responsable du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort, le laboratoire national de référence de l’Anses pour l’influenza aviaire.
Les deux vaccins, avec des résultats « très similaires », ont aussi « presque stoppé la transmission directe » – quand les animaux sont en contact rapproché – et « aboli » la transmission indirecte, par voie aérienne, c’est-à-dire potentiellement d’un bâtiment d’élevage à un autre. Quand les animaux n’étaient pas vaccinés, « un animal inoculé infectait un autre animal toutes les deux heures », a expliqué la chercheuse.
A l’inverse, ceux qui étaient vaccinés n’étaient « quasiment pas » contaminés par leur voisin « même en contact direct, dans le même parc, avec les fientes » infectées. « C’est très efficace », a résumé Mme Grasland, notant que, dans ces conditions, « normalement l’épidémie ne se déclenche pas ».
Précommande de 80 millions de doses
Sollicité, le laboratoire français Ceva Santé Animale, dont le vaccin est à ARN, a simplement déclaré qu’il avait fait une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV). Il a aussi répondu à l’appel d’offres du ministère de l’agriculture, qui a annoncé en avril une « précommande de 80 millions de doses ».
Selon le ministère, la France prévoit de vacciner en priorité les canards (de type mulard, mais aussi de Pékin et de Barbarie – ces derniers étant plutôt élevés pour leur viande) du fait de leur « rôle particulier » dans la dynamique de l’épizootie. Les canards sont très sensibles au virus et l’excrètent dans l’environnement avant même de présenter des symptômes, ce qui contribue à une diffusion à bas bruit de la grippe aviaire.
La vaccination des « poulettes futures pondeuses » est aussi envisagée, affirme le ministère, « dans un souci de préservation des capacités de production d’œufs (…) et compte tenu de la fragilisation de la filière lors des crises passées ». La vaccination soulève des questions techniques de disponibilité des doses et de personnel, ainsi que des questions économiques et diplomatiques, les professionnels de la volaille redoutant que des marchés à l’export se ferment si des animaux sont vaccinés.