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Ethique-sociologie-philosophie-droit

Le travail : ce qui nous relie aux animaux domestiques

By 11 avril 2024avril 29th, 2024No Comments

Type de document : article publié dans The Conversation

Auteurs : Vanina Deneux-Le Barh et Sébastien Mouret

Extrait : Un chien, guidant une personne malvoyante, un cheval au galop lors d’une course hippique ou un dauphin dans un spectacle… Nous pourrions vous donner bien d’autres exemples de situations d’animaux au travail dans divers univers socioprofessionnels. Toutes révèlent la centralité du travail dans les rencontres et les collaborations entre humains et animaux, plus largement dans l’histoire de la domestication. Elles invitent à reconsidérer ce que nos sociétés occidentales ont considéré comme un propre de l’humain : le travail. Depuis l’émergence de la « question animale », les études sur les relations entre humains et animaux, également appelées études animales, ont engagé une large révision des frontières instituées entre ces deux espèces : la culture, la morale, le langage, les émotions, liste à laquelle s’ajoute désormais le travail. Plusieurs travaux fondateurs ont revisité les legs marxistes du travail qui imprègnent le fonds de culture de nos sociétés, montrant ainsi que les animaux ne sont pas de simples objets travaillés par les humains, mais bien des sujets du travail qui participent activement à l’économie domestique et marchande de nos sociétés. (…)

Des animaux au travail
Comment comprendre nos relations de travail avec les animaux ? Que veut dire « être au travail » pour des chiens, des chevaux, des vaches, etc. ? La sociologie du travail animal initiée par Jocelyne Porcher, dans laquelle s’inscrivent nos recherches, apporte des éléments décisifs de compréhension en étudiant la collaboration des animaux au travail, notamment ce que veut dire travailler pour un animal, en référence au concept de travailler forgé par la psychodynamique du travail pour étudier le travail humain. Travailler implique, pour les animaux, de mobiliser leur subjectivité – leurs capacités sensibles et cognitives – pour combler l’écart entre le prescrit – ce que nous leur demandons de faire – et le réel – les imprévus et aléas – dans les diverses tâches que nous leur confions : prendre soin de personnes vulnérables (handicap, maladie, traumatisme), à l’instar des chiens guides ; assurer la sécurité dans l’espace public, rôle des chiens et chevaux policiers ; concourir à des épreuves sportives, à l’instar des chevaux de courses et de centres équestres ; réaliser des performances scéniques (cinéma ; spectacle vivant) ; contribuer aux tâches agricoles, à l’instar des vaches. Voire répondre à nos attentes d’amour et d’affection, comme le font nos animaux de compagnie. Les multiples formes du travailler animal révèlent que les animaux font bien plus que le travail prescrit : ce sont des partenaires de travail qui font face à la complexité du réel, développent des habiletés corporelles et des compétences, se coordonnent avec des humains, témoignent d’attentes de reconnaissance, développent des liens affectifs, etc. Prendre en compte la subjectivité des animaux au travail, c’est considérer qu’il y a « quelqu’un » qui travaille.

Penser le travail des animaux
Penser le travail des animaux a des implications éthiques, politiques et historiques majeures dans la reconstruction des rapports de nos sociétés aux animaux domestiques. La principale, selon nous, est de ne pas exclure le travail, donc d’en appeler à des sociétés sans travail avec les animaux. Les mouvements de la cause animale nourrissent cette vision abolitionniste : mettre un terme à la domestication qui ne serait que souffrance et exploitation pour les animaux. Ou du moins, pour une frange réformiste, prescrire le bon travail pour les animaux, non sans moralisme. Cette exclusion du travail traverse également une partie des mouvements de la cause écologique, où le travail de la nature, donc des animaux, impliquerait de facto un régime de production et la main de l’exploitation capitaliste. (…)
Or, si le travail peut être cause de souffrance, il peut aussi être source de plaisir et d’émancipation, pour nous comme pour les animaux. Ce postulat est central dans la sociologie du travail animal. Travailler, ce n’est pas seulement produire. C’est aussi vivre ensemble entre humains et animaux. Et se construire. Il faut alors comprendre le destin de la subjectivité, la nôtre et celle des animaux, en termes de plaisir et de souffrance, à travers les formes de coopération et, à l’inverse, de domination qui se développent dans le travail. Nos relations de travail aux animaux sont faites d’exploitation, de violence et d’indifférence. Nous ne nions pas cette réalité. Mais elles reposent aussi sur des formes de respect, d’amour et de coopération entre humains et animaux, où le travail peut connaître un destin émancipateur pour chaque espèce partenaire. Elles nous invitent à penser notre responsabilité envers les animaux dans l’instrumentalité, l’asymétrie et l’inégalité, ce qui implique notamment de repenser la place de la mort des animaux. Concevoir notre responsabilité sans nécessité et sans travail serait une erreur. C’est la réflexion épistémologique et politique que nous menons au sein de notre collectif de recherche Animal’s Lab.

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Extrait du site de The Conversation