Type de document : article publié dans La Terre de Chez Nous
Auteure : Sophie Lachapelle
Extrait : Des images captées par des caméras qui scrutent les moindres mouvements des vaches. Voilà qui sert de base à une importante étude, actuellement menée par la Chaire de recherche-innovation en bien-être animal et intelligence artificielle (WELL-E), créée conjointement par l’Université McGill et l’UQAM. Instaurée grâce à un financement de 5 M$, la Chaire a notamment pour objectif d’identifier les prédicteurs de l’évolution de la santé mentale et physique des vaches. « On veut détecter toute déviation avant qu’elle soit perceptible à l’œil nu, et l’IA [intelligence artificielle] va pouvoir nous aider à développer des indicateurs précoces », expliquait Elsa Vasseur, professeure agrégée au Département des sciences animales de l’Université McGill et cotitulaire de la Chaire, en entrevue à l’émission La Semaine verte. Le but ultime ? Une meilleure rentabilité pour les producteurs agricoles. « On pense à tort que les vaches les plus productives sont les plus rentables, mais ce n’est pas le cas, explique l’assistante de recherche d’Elsa Vasseur, Rachel Van Vliet. Ces vaches très productives sont aussi malades plus souvent et cela entraîne des frais. De plus, une vache en meilleure santé va avoir une meilleure espérance de vie et ça se traduit par des gains. »
Les images, où chaque vache est identifiée, sont d’abord analysées par les chercheurs en santé animale de l’Université McGill. Ces derniers déterminent les comportements et mouvements intéressants à observer. Ça peut être par exemple le mouvement des oreilles, qui est très révélateur de l’état émotionnel de la vache. On peut aussi noter des changements très subtils dans la marche d’une vache, avant qu’elle ne boîte de manière évidente. C’est important quand on sait que le fait de boiter est la plus importante cause de retrait des vaches. Rachel Van Vliet, assistante de recherche d’Elsa Vasseur. Ces analyses sont ensuite transmises aux chercheurs du département informatique de l’UQAM, afin qu’ils puissent les modéliser et permettre l’apprentissage intelligent, à plus large échelle.
Pour le moment, l’étude, qui regroupe une cinquantaine de chercheurs, se déroule dans deux fermes expérimentales, l’une au Québec (la ferme Macdonald rattachée à l’Université McGill) et l’autre, en Ontario. Mais en 2025, l’Université de Montréal recrutera une vingtaine de fermes commerciales au Québec afin qu’elles prennent part à la recherche, selon le modèle de laboratoire vivant. « Parmi les choses qu’on va étudier sur le terrain, explique Rachel Van Vliet, il y a l’impact sur les vaches de passer de la stabulation entravée à la stabulation libre. » L’objectif, à terme, n’est pas que les fermes d’élevage soient toutes équipées de caméras afin de gérer leurs troupeaux. « On veut travailler avec les technologies qu’ils ont déjà ou identifier quel serait le minimum requis », explique Mme Van Vliet. Elle précise que l’idée des caméras est de tirer, grâce aux vidéos, des enseignements sur les meilleures pratiques en matière de bien-être. « Comme pour les humains, c’est en répondant aux besoins physiques et psychologiques des vaches qu’on va s’assurer de leur bien-être. Ça peut inclure le besoin de stimulation, la curiosité, la socialisation, etc. » L’équipe de chercheurs compte analyser l’impact de l’ajout de certains éléments positifs qui pourraient améliorer leur bien-être, par exemple, des grattoirs ou des jouets de couleur pour animaux. Rachel Van Vliet souligne que c’est là l’un des éléments novateurs de la recherche. « On sait déjà que les éléments négatifs, comme un déménagement ou trop de manipulations, peuvent affecter leur bien-être. Là, on va voir comment on peut ajouter des éléments potentiellement positifs et mesurer l’effet que ça peut avoir. » (…)