Type de document : article publié sur le site de France 3 Normandie
Auteur : Marie Lorillec
Extrait : Daniel Reyssat gère une écurie en Normandie et propose de la « rééducation de relation » entre le cavalier et sa monture. Dans son livre « Peut-on encore monter à cheval ? », il questionne notre relation avec le cheval et recherche ce qu’il faudrait changer pour la rendre plus éthique.
Troisième sport comptant le plus de licenciés en France derrière le football et le tennis, l’équitation, parfois vue comme élitiste et dure envers les animaux, suscite régulièrement son lot de critiques. Des cas de maltraitance jusqu’au plus haut niveau, comme lors des Jeux Olympiques de Paris et lors de ceux de Tokyo en 2020 ont posé la question de la légitimité même de ce sport. Une question à laquelle tente de réponse Daniel Reyssat, cavalier normand, dans Peut-on encore monter à cheval ? En proposant de rebâtir, sans violence et dans le consentement, la relation entre l’humain et sa plus noble conquête.
D. Reyssat : Je suis cavalier depuis un certain nombre d’années. J’ai fait beaucoup de compétitions, je faisais du horse-ball, j’ai joué pendant 25 ans. Et j’étais plutôt réputé pour avoir une monte assez douce. Sur des championnats de France, j’ai infligé une blessure aux éperons à ma jument et à partir de là, ça m’a fait un électrochoc. Comment j’ai pu la blesser pour juste gagner un match, alors que j’étais plutôt connu pour être doux avec mes chevaux ? J’ai cherché à approfondir le sujet de la violence dans le dressage, de l’utilisation de la douleur dans le dressage. Voir si on pouvait faire autrement. J’ai une pension où les gens mettent les chevaux chez moi et s’en occupent eux-mêmes. Je donne des cours pour améliorer la relation cavalier-cheval. Et puis, j’ai un autre côté où des gens m’amènent des chevaux, soit pour les débourrer (amener le cheval à accepter la selle, le cavalier, à comprendre les ordres de base, NdR), soit pour rééquilibrer leur relation quand ça ne va pas. On dit que c’est de la rééducation comportementale, mais moi je fais vraiment plus de la rééducation de relation en fait. Je ne rééduque pas le comportement du cheval, parce que le cheval réagit comme un cheval. Les problèmes arrivent quand on oublie qu’il s’agit d’un cheval et qu’on l’utilise juste comme un outil. En fait, il n’y a plus de relation, on use de la contrainte physique pour imposer l’obéissance. Si on veut instaurer une relation de confiance, il faut obtenir le consentement du cheval. Ça prend plus de temps, mais plus on prend son temps et plus on gagne du temps. En général, c’est ce qu’on dit. Une fois que le cheval est confiant, on peut lui demander beaucoup plus de choses qu’un cheval qui n’a pas envie. Et en même temps, c’est vraiment changer de paradigme.
Ce qui est important, c’est l’objectif qu’on a pour le cheval. C’est peut-être ça le problème. Si on veut avoir un cheval toujours plus performant, la méthode douce n’est pas suffisante. Dans la compétition, on va toujours vouloir plus. Le but de la compétition, c’est d’être meilleur que les autres chevaux. Ce n’est pas monter proprement, ce n’est pas d’avoir un cheval heureux. Ce n’est pas d’avoir un cheval qui soit coopératif, c’est d’avoir un cheval qui soient meilleur que les autres, qui saute plus vite, plus fort, souvent avec un peu plus de stress. Dans mon livre, je suis allé chercher ce qu’on fait au quotidien dans l’équitation de loisirs et de sport, qu’on a l’impression de bien faire, mais qui ne va pas. Je ne vais pas du tout chercher ceux qui font de grosses maltraitances, qu’on connaît tous dans le milieu du cheval. Il faut lutter contre, bien sûr mais ce n’était pas mon propos. Je vais vraiment chercher, ce qui fait que moi, un cavalier, qui se pensait plutôt doux, comment j’ai pu blesser ma jument ? Le cavalier doit connaître la manière dont, historiquement, on a pris le contrôle du cheval. Je l’explique dans la première partie du livre. Pour résumer, on a pris le contrôle des chevaux en contrôlant leur hébergement, leur alimentation et leur reproduction. De cette façon, on les a rendus dépendants de nous. Pour qu’ils soient bien, il faut assouvir leurs besoins fondamentaux qui sont au nombre de trois : 1/ les chevaux doivent pouvoir se déplacer 24 heures sur 24, avoir des mouvements libres, 2/ ils doivent pouvoir s’alimenter quand ils le veulent avec de l’herbe principalement, 3/ ils doivent avoir des relations sociales 24 heures sur 24. Si on garantit ces trois besoins fondamentaux, on est pas mal ! Oui, on s’en sert pour motiver le travail. Le cheval est très content qu’on lui donne de l’alimentation. Quand il vit dans un box, aller travailler lui permet de se mouvoir (un cheval en liberté marche en moyenne 10 km par jour, quand il est en box, il marche 2 km par jour). Et comme il est tout seul dans son box, il est content d’entrer en relation avec le cavalier. Quand on veille aux besoins fondamentaux des chevaux, il faut faire plus d’efforts pour qu’ils s’intéressent à l’humain. Si on veut créer une vraie relation, on se met un peu dans la difficulté, en fait, on se prive des moyens de contrôle. Il faut passer vraiment beaucoup de temps avec lui, du temps à ne rien faire, les chevaux aiment beaucoup passer du temps à ne rien faire. Il faut essayer de se reprendre sur nos objectifs. La relation elle-même doit être l’objectif principal.
Il est d’usage de faire travailler les chevaux sur du renforcement négatif : on met une gêne qu’on enlève quand le cheval fait ce que l’on veut. Le problème est que s’il ne fait toujours pas ce qu’on demande, jusqu’où va-t-on, de la gêne à la douleur, pour s’imposer ? L’autre manière de faire est le renforcement positif (s’il fait ce qu’on demande, le cheval gagne une friandise). C’est plus long mais efficace. La plupart des gens qui viennent me voir adhèrent déjà mais il arrive que certains soient juste conseillés par d’autres et j’essaye de les ouvrir un peu. Je me souviens d’un pro de CSO, qui avait un super cheval, mais qui ne voulait plus sauter de barre. Alors on a passé du temps avec le cheval en liberté dans la carrière. J’ai demandé au cavalier d’attirer l’attention de son cheval, pour qu’il le suive, en marchant et en courant. Et à la fin c’est le cavalier qui court et qui saute l’obstacle courant avec le cheval qui le suit. Les gens savent qui ils viennent voir et dans quel sens on va travailler.
