Type de document : Article publié sur le site de DecodAgri
Auteur : Renaud d’Hardivilliers
Extrait : Les fêtes de fin d’année ont fait ressurgir une controverse dans le débat public concernant le foie gras. Sur les réseaux sociaux, internautes et associations de protection des animaux s’alarment sur le sort réservé aux canetons femelles qui ne servent pas à produire le foie gras. Car seuls les canards mâles sont gavés. Pourquoi ? Y a-t-il vraiment gazage ou broyage des canetons femelles ? Le nombre de 20 millions de jeunes femelles gazées ou broyées par an, cité par la Fondation Brigitte Bardot, est-il correct ?
Pourquoi les femelles sont-elles mises de côté ?
Selon la charte du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog), ce mets français ne peut pas être produit à partir de canards femelles. Marie-Pierre Pé, présidente du Cifog interrogée par DecodAgri, avance deux raisons :
– Le foie des femelles se prête moins bien à l’obtention du foie gras à cause d’un réseau de veines plus dense ;
– Les femelles sont plus difficiles à élever.
Que deviennent les canetons femelles ?
La Fondation Brigitte Bardot affirme sur Twitter qu’une partie des canetons femelles est commercialisée à l’étranger, mais que le reste n’est pas valorisé. Et ce « reste non valorisé » représente 20 millions d’animaux, a-t-elle répondu à DecodAgri par échange d’emails. Selon la Fondation, 20 millions de canetons femelles sont donc broyés ou gazés par an en France. Interrogée, elle n’a pas cité de source précise. D’autres chiffres circulent sur les réseaux sociaux, allant jusqu’à 50 millions de canetons femelles broyés.
De son côté, Marie-Pierre Pé du Cifog nuance. Si le fait est vrai, le chiffre est inexact : « Depuis vingt ans, les couvoirs ont développé un marché d’exportation des jeunes femelles canards vers l’Italie, l’Allemagne, Chypre et les pays du Nord Maghreb. » Et cette part « valorisée par cette voie » représente en principe « jusqu’à 90 % de ces animaux ». Les 10 % restants, soit 2 millions de canetons, sont en revanche « éliminés selon les règles prévues par la loi d’élimination des surplus des couvoirs (matériels agréés) ».
Mais ce pourcentage n’est atteint qu’en cas de conditions sanitaires favorables à l’exportation. En période d’épidémie de grippe aviaire, le transport des volailles vivantes est par exemple interdit. En 2021, ce ne sont donc pas 90 % des jeunes canards femelles non utilisés par la filière foie gras qui ont été exportés, mais seulement 40 %. Dans ce cas, le Cifog constate que cela représente environ 11 millions d’animaux gazés ou broyés. Et non 20 millions.
Hors crise sanitaire, mais toujours selon le potentiel du marché à l’export, la part des jeunes canards femelles exportés se situe entre 30 % et 90 %. En conséquence, le nombre de cannetons broyés ou gazés est en principe compris entre 2 millions et 12,5 millions.
À savoir : D’ici à 2024, la date exacte n’étant pas encore précisée, les cannetons femelles ne pourront plus être broyés ou gazés à leur naissance, puisqu’une technologie permettant le sexage des œufs à huit jours après l’incubation est en train de se mettre en place. Autrement dit, les producteurs de poussins pourront déterminer en amont, si l’œuf va donner un mâle ou une femelle.