Type de document : Rapport d’information déposé à l’Assemblée nationale
Auteurs : Commission des Affaires européennes sur la protection du bien-être animal au sein de l’Union européenne
Extrait : CONCLUSION
L’Union européenne dispose indubitablement d’une législation avancée pour protéger le bien-être des animaux dans les domaines de l’élevage, du transport, de l’abattage, des expérimentations scientifiques, même s’il paraît crucial à présent d’introduire dans le droit les avancées scientifiques de ces dernières décennies.
Toutefois, votre Rapporteure a noté des lacunes structurelles dans cette législation sur plusieurs aspects :
– la législation européenne relative au bien-être animal connaît d’importantes difficultés d’application. Ainsi, si elle était totalement appliquée, cela constituerait d’ores et déjà une importante avancée. C’est le cas en particulier pour la directive « oiseaux », celle relative au bien-être des porcs ou encore le règlement relatif au transport d’animaux vivants ;
– certaines espèces ne disposent d’aucune protection juridique spécifique pour assurer leur bien-être. C’est notamment le cas des poissons, des lapins, des vaches laitières, des dindes et des canards. Il est urgent que l’Union européenne remédie à ces manques et durcisse la législation pour les espèces qui bénéficient d’une protection, en particulier sur la castration des porcs et les conditions de vie des poulets de chair ;
– le bien-être des animaux de compagnie est très insuffisamment pris en compte, en particulier pour endiguer un trafic illégal qui perdure au sein de l’Union européenne et pour répondre à l’enjeu sanitaire des zoonoses notamment ;
– le bien-être des animaux sauvages n’est pas réglementé en dehors de ce qui concerne la chasse et la protection des habitats naturels. Sur ces thématiques, la législation européenne doit évoluer pour réduire le nombre de dérogations qui en minent l’efficacité. En outre, la présence d’animaux sauvages dans les zoos et delphinariums doit être urgemment régulée et il importera de créer un véritable statut pour les animaux sauvages en liberté, dont le bien-être n’est pas encadré par les règles européennes. L’Union européenne doit également renforcer sa lutte contre le commerce de l’ivoire, des ailerons de requins et tous les trafics fondés sur les animaux ;
– la prise en compte des enjeux de bien-être animal par la politique agricole commune (PAC) fait cruellement défaut, alors qu’il s’agit d’une opportunité centrale pour l’élevage européen. 18 États membres utilisent, à des degrés variables, la mesure « bien-être animal » du second pilier. En particulier, aucune région française ne l’a prévu dans les plans de développement rural. C’est pourquoi votre Rapporteure propose que la PAC aide de façon beaucoup plus incitative, au travers du second pilier, les agriculteurs à financer la transition vers des exploitations plus respectueuses du bien-être animal. Votre Rapporteure soutient également la création à l’échelle européenne d’un étiquetage « bien-être animal », relatif au mode de production, afin que les consommateurs puissent faire des choix économiques en toute transparence.
En outre, votre Rapporteure a relevé d’importants défauts d’application de la réglementation européenne, en particulier en ce qui concerne le transport d’animaux vivants. Ainsi, le fait que la législation européenne soit totalement appliquée constituerait une importante avancée. À ce titre, le règlement 1/2005 apparaît comme devant être fortement modernisé et assorti de contrôles beaucoup plus systématiques. Plus généralement, les États membres, qui ont en charge la réalisation des contrôles de la législation européenne, font globalement preuve d’une trop faible proactivité en la matière et d’un manque important de coordination. Cela nuit à la bonne application d’une législation européenne qui pourrait avoir des effets beaucoup plus importants si elle était correctement appliquée. Cela constitue également un obstacle au bon fonctionnement du marché unique.
Or, le bien-être animal constitue une attente forte de notre société dans tous les domaines, et notamment dans l’agriculture. Celle-ci ne doit pas voir la réalisation des objectifs de bien-être animal comme une contrainte mais comme une opportunité d’accompagner l’agriculture du XXIe siècle vers une meilleure valorisation du travail des éleveurs en adéquation avec les attentes de la population concernant le bien-être animal et la protection de l’environnement. Cela pourra participer directement au maintien de la qualité déjà très élevée de l’agriculture européenne par rapport au reste du monde.
Toutefois, pour que cela ne constitue pas une contrainte supplémentaire pour les éleveurs, l’Union européenne doit également encadrer beaucoup plus strictement les conditions de bien-être animal dans sa politique commerciale. Il est inenvisageable, alors que les agriculteurs européens fournissent des efforts importants pour réaliser les objectifs fixés par l’Union européenne en matière de bien-être animal, qu’il soit possible d’importer des produits issus d’animaux qui ont été élevés et abattus dans des conditions qui ne respectent pas ce même objectif.
Si l’Union européenne peut légitimement affirmer qu’elle dispose d’une législation parmi les plus exigeantes du monde en ce qui concerne le bien-être animal, il faut rester attentif à ce qu’elle soit effectivement appliquée et complétée et qu’une coopération étroite se mette en place entre les États membres. Le bien-être animal est aujourd’hui un enjeu sociétal à part entière devant dépasser le débat binaire afin de se concentrer sur les objectifs permettant de réconcilier l’économie et les valeurs portées à l’origine du projet européen.