Type de document : Article publié sur le site Euractiv France
Auteur : Magdalena Pistorius
Extrait : 2022 sera l’année de la fin du broyage de poussins mâles en France : c’est ce qu’a annoncé le ministre de l’Agriculture le 18 juillet. Mais la transition vers le sexage in ovo voulue par Julien Denormandie est-elle réalisable dans les temps ? Avec quelle technique – et surtout, à quel prix ?
L’annonce de la fin de l’élimination de poussins mâles en France, pratique « vivement décriée par les citoyens et les associations de protection animale depuis des années », selon CIWF France, a été saluée par ces dernières. Mais faire changer les pratiques, c’est plus facilement dit que fait : la filière française des œufs se retrouve ainsi devant un chantier de taille.
D’ici le 1er janvier 2022, tous les couvoirs français devront été équipés ou avoir passé commande pour les machines nécessaires à réaliser le fameux sexage in ovo, la technique qui consiste à déterminer le sexe du futur poussin dans l’œuf pour le détruire avant son éclosion.
Et voilà le premier casse-tête : la technique de sexage n’existe pas. Une méthode de sexage in ovo, celle du spectrophotomètre, développée par le groupe allemand AAT, permet ainsi de déterminer la couleur des plumes du poussin – qui varie selon le sexe – à l’intérieur de l’œuf. La société allemande Seleggt a quant à elle mis au point un procédé hormonal qui consiste à percer un petit trou dans chaque œuf, de prélever une gouttelette de fluide et de l’analyser sur la présence d’hormones dégagées par les femelles.
Sur une base similaire, la technologie allemande Plantegg détermine le sexe du poussin en analysant le matériel génétique dans le liquide de chaque œuf, et une technologie néerlandaise s’appuie, elle, sur l’analyse d’un biomarqueur. Autant de procédés parmi lesquels il faudra choisir en France, où aucune technologie de sexage in ovo a pour le moment été développée.
Deuxième casse-tête : toutes ces technologies ont évidemment un coût. « Aujourd’hui, quand on achète un poussin de poule pondeuse, ça coûte 80 centimes, y compris le coût de l’élimination des poussins mâles », explique Philippe Juven, président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO), à EURACTIV. « Avec la prestation de l’ovo-sexage, chaque poussin va coûter environ un euro en plus. »
Car non seulement faudra-t-il acheter et installer du matériel dans les couvoirs et réorganiser tout le travail dans les couvoirs français – une étape qui coûtera environ 15 millions d’euros pour les cinq couvoirs que compte la France, selon le CNPO. Surtout, il faudra payer le fonctionnement de ces nouvelles techniques en continu et notamment les prestations de sexage in ovo qui seront réalisées non pas par les couvoirs eux-mêmes mais par les entreprises, allemandes ou néerlandaises pour l’instant, qui détiennent le savoir-faire nécessaire.
Du côté du ministère de l’Agriculture, on « ne préconise pas une technologie plutôt qu’une autre », selon un porte-parole. « Il revient aux professionnels de se doter de la technologie ou des machines de sexage qui leur paraissent les plus adaptées à leur activité et à leurs marchés. »
« On va chercher la méthode la plus économique », affirme Philippe Juven – néanmoins, la filière évalue à pas moins de 64 millions d’euros les frais pour le sexage in ovo – chaque année. Un surcoût que devront assumer les consommateurs : ainsi, la boîte de six œufs deviendra au moins 3 centimes plus chère, estime la filière.
En attendant, le président du CNPO se veut optimiste : alors que la recherche d’alternatives au broyage de poussins mâles n’en est qu’à ses débuts, les efforts vont se poursuivre avec l’interdiction du broyage de poussins en France et en Allemagne et l’intérêt croissant que connaît le sujet dans d’autres pays d’Europe. « A terme, on aura des solutions moins chères », espère Philippe Juven.
Et, malgré les difficultés que la transition devrait impliquer, la filière annonce qu’elle sera au rendez-vous. « Très attentive aux nouvelles attentes sociétales, la filière est en effet engagée depuis plusieurs années dans la recherche de techniques alternatives à l’élimination de poussins mâles », selon un communiqué du CNPO. « Ainsi, les professionnels français des œufs sont d’ores et déjà en ordre de marche pour réaliser tous les aménagements et investissements nécessaires et compte-tenu des délais serrés, feront le maximum pour respecter les échéances annoncées. »