Skip to main content
Réglementation

Députés et sénateurs s’accordent sur plusieurs mesures de lutte contre les maltraitances animales

By 27 octobre 2021octobre 29th, 2021No Comments

Type de document : Article publié dans Le Monde

Auteur : Mathilde Gérard

Extrait : Le texte adopté jeudi interdit les spectacles avec des animaux sauvages dans les cirques et les delphinariums, et proscrit la vente de chiens et chats en animalerie. Les associations ont salué ces avancées.


Il y a trois semaines, un accord semblait hors de portée. Jeudi 21 octobre, les quatorze membres de la commission mixte paritaire (CMP) qui examinaient la proposition de loi de lutte contre les maltraitances animales, ont pourtant voté à l’unanimité, sans abstention, un compromis qui ancre plusieurs avancées pour la protection animale en France : interdiction des spectacles de cétacés dans les delphinariums d’ici à cinq ans, interdiction des spectacles de faune sauvage dans les cirques itinérants d’ici à sept ans, interdiction des ventes de chiens et de chats dans les animaleries à partir de 2024…


Au regard des divergences de vue entre sénateurs et députés sur ces trois points en particulier, la chambre haute s’étant montrée rétive à inscrire une interdiction dans la loi, l’accord de la CMP relevait de la gageure.
Il aura fallu des heures et des heures de discussions préalables entre les rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale et au Sénat, jusque très tard dans la nuit précédant la CMP, pour réconcilier leurs vues et parvenir à un consensus. L’enjeu pour les trois députés de la majorité à l’initiative de ce texte – Loïc Dombreval (Alpes-Maritimes, La République en marche, LRM), Dimitri Houbron (Nord, Agir) et Laëtitia Romeiro Dias (Essonne, LRM) – était d’éviter à tout prix de repartir sans accord, ce qui, au vu du calendrier législatif contraint par les prochains scrutins, serait revenu à enterrer toutes les mesures prévues. La rapporteure au Sénat, Anne Chain-Larché (Seine-et-Marne, Les Républicains), voulait, elle aussi, « tout sauf un désaccord. On aurait pu se braquer par moments. Mais nous nous sommes donné du temps pour discuter et comprendre les intérêts des uns et des autres ». Du côté de l’Assemblée nationale comme du Sénat, chacun avait posé ses lignes rouges. Pour les trois députés corapporteurs, il s’agissait du sort des animaux sauvages dans les cirques et delphinariums. « On voulait poser une interdiction de principe dans la loi pour tous les animaux sauvages dans les cirques itinérants, relate Laëtitia Romeiro Dias. On a pris en compte la demande du Sénat d’avoir un temps nécessaire dans l’accompagnement des professionnels et pour trouver des solutions de placement pour les animaux, d’où le délai d’interdiction passé de cinq à sept ans. » Députés et sénateurs se sont également accordés sur une interdiction de la reproduction de la faune sauvage d’ici à deux ans, afin de ne pas faire grossir les cheptels détenus par les cirques.


Encadrer et définir dans la loi l’activité des sanctuaires
Les delphinariums représentaient quant à eux l’un des points de blocage majeurs des discussions entre les deux chambres. L’interdiction proposée, qui entrerait en vigueur cinq ans après la promulgation de la loi, porterait sur les spectacles exhibant des dauphins et des orques. A cet horizon serait également interdite la reproduction.
« La seule dérogation possible à cette interdiction de détention serait dans le cadre de programmes de recherche scientifique, homologués par l’Etat, et non pour des programmes autoproclamés », précise Mme Romeiro Dias. La rapporteure au Sénat se félicite de ce compromis : « Notre fil conducteur, c’était pas d’interdiction sans solution » de placement ou pour la recherche, insiste Mme Chain-Larché.
Députés et sénateurs se sont également entendus pour encadrer et définir dans la loi l’activité des sanctuaires : des lieux à but non lucratif, sans interaction avec le public, recueillant des animaux sauvages blessés dans la nature ou sortis de captivité, où la reproduction est interdite.
Le chapitre concernant les animaux domestiques a, lui aussi, donné lieu à d’intenses tractations : les députés souhaitaient interdire toute vente d’animaux dans les animaleries, pour prévenir les achats d’impulsion ; les sénateurs s’opposaient à une interdiction stricte, craignant un report des achats sur Internet. Finalement, les parlementaires proposent d’interdire la vente des chiens et chats dans les animaleries (mais pas des lapins) ; ils permettent également aux refuges de venir présenter leurs animaux à l’adoption dans les animaleries. Toute acquisition ou adoption sera également soumise à un certificat de connaissances et à un délai de réflexion de sept jours.


Une ambition forte
De leur côté, les sénateurs avaient posé comme impératif de ne pas rendre obligatoire la stérilisation des chats errants, craignant que le coût et la logistique ne reposent que sur les maires. La CMP renvoie la question de la stérilisation à une concertation entre les collectivités territoriales et l’Etat et à une évaluation plus précise des besoins – le nombre de chats errants est mal connu, entre 10 millions et 12 millions selon les estimations.
« Par rapport au texte maximaliste sorti de l’Assemblée, ce compromis va être vécu comme un recul, mais il est plus rationnel, admet Loïc Dombreval, qui plaidait pourtant pour l’obligation de stérilisation. Il faut qu’on sache exactement combien les campagnes de stérilisation vont coûter et qui va payer, avec un plan de financement pérenne. »


Le texte ainsi conclu sera à nouveau soumis au vote des deux chambres, à l’Assemblée nationale le 15 novembre puis au Sénat. Pour Dimitri Houbron, « il n’y a aucune loi qui s’était emparée aussi frontalement des questions de condition animale. Réussir ce texte de compromis, en gardant une ambition forte, a nécessité énormément de travail. » Loïc Dombreval se félicite également que ce texte soit l’aboutissement « d’une évolution du regard porté par les parlementaires sur la question animale. On peut considérer que c’est un sujet secondaire, mais le fait de l’avoir traité sérieusement, tout en convenant qu’il reste énormément à faire, est très satisfaisant. »


Les associations de protection animale, dont certaines doutaient de la possibilité d’un accord entre les deux chambres, ont dans leur ensemble salué les avancées proposées. « C’est un jour historique dans le combat que nous menons depuis des décennies en faveur des animaux », estime Christophe Marie, le porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot, pour qui « la France rattrape en partie son retard vis-à-vis de ses voisins européens ».
« C’est un premier grand pas dans la protection animale, a commenté Christine Grandjean, présidente de l’association C’est assez. A nous de continuer à pousser pour que ça s’affine et que la loi s’applique pleinement. »

Logo du journal Le Monde
Extrait du site du journal Le Monde