Type de document : Rapport n°21057 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)
Auteurs : Loïc Evain, Marie-Frédérique Parant
Extrait : Cette mission de parangonnage a pour objectif d’aider le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA), à élaborer une nouvelle stratégie nationale et à préparer les négociations qui préfigureront la révision de la législation de l’Union européenne (UE) sur le bien-être animal (BEA). Elle doit alimenter une seconde mission confiée au Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux (CGAAER) pour définir, avec les Directions d’administration centrale, une feuille de route.
Onze Etats membres (EM) de l’UE et 5 Pays Tiers (PT) ont répondu à un questionnaire sur les principales thématiques d’intérêt pour la France. Celles-ci sont traitées dans sept chapitres qui peuvent être résumés de la façon suivante.
1. Les institutions européennes accordent au BEA un niveau élevé de priorité, avec en ligne de mire le paquet législatif annoncé pour fin 2023 par la Commission dans sa stratégie « Farm to Fork ». Si peu d’EM ont adopté comme la France une stratégie nationale sur le BEA, tous ont des lois et règlements et une organisation administrative dédiés à ce domaine jugé unanimement sensible, avec cependant quelques nuances à l’Est et au Sud. Certains EM ont même décidé de faire plus que la législation UE, considérée insuffisante dans certains domaines (pratiques douloureuses, information du consommateur). […]
2. La fin annoncée par la Commission de l’élevage en cages est accueillie avec une certaine prudence par les EM qui insistent sur la nécessité d’avoir des études d’impact, un accompagnement financier et des périodes de transition compatibles avec le maintien de l’activité économique […].
Les pratiques douloureuses sont également l’objet de beaucoup d’attention et l’anesthésie est la règle dans de nombreux cas, notamment pour la castration des porcelets. Certains EM et PT travaillent à des alternatives (immunocastration, sélection génétique…). De même, le broyage des poussins que l’Allemagne et la France ont décidé de bannir à partir de 2022, est remis en question dans de nombreux EM qui sont également à la recherche d’alternatives. A noter le développement prometteur en Suède d’une méthode d’ovosexage si précoce que les oeufs mâles peuvent encore être orientés vers les circuits alimentaires.
3. Les consommateurs se disent souvent prêts à payer plus pour des produits issus d’élevages plus respectueux du BEA, signalés grâce à un étiquetage spécifique. Partout les initiatives foisonnent, souvent privées, parfois gouvernementales, pour favoriser le développement de normes qui vont au-delà de la réglementation UE ou qui se substituent à la réglementation quand elle fait défaut, comme c’est le cas dans certains PT. Le Conseil des ministres de l’agriculture a demandé en décembre 2020 à la Commission de préparer les conditions d’un label européen relatif au BEA, harmonisé et d’utilisation volontaire. Tous les pays enquêtés insistent sur cette dernière caractéristique.
Par ailleurs, il y a consensus sur le fait que le BEA ne doit pas être introduit dans les systèmes de qualité (agriculture biologique mise à part) et autres indications géographiques.
4. S’il y a consensus pour renforcer les règles sur le transport (notamment en situation de canicule) et surtout pour mieux harmoniser la mise en œuvre des règles existantes, il n’y en aura pas pour interdire le transport d’animaux sur de longues distances à destination des PT. Quoi qu’il en soit, la pression sera forte pour agir et vite, le rapport de la commission d’enquête du Parlement étant attendu pour décembre 2021. Les abattoirs mobiles sont encore balbutiants en Europe alors que plusieurs unités fonctionnent aux USA ou au Brésil, mais elles répondent à des considérations davantage économiques (distances entre zones d’élevage et d’abattage) que sociétales.
5. Tout le monde convient que le coût du BEA doit être pris en charge par l’ensemble de la filière concernée et pas uniquement par le maillon élevage. […] Les EM conviennent que la concurrence des produits importés est une plaie que les Accords de libre-échange ne parviennent pas à soigner, mais leur motivation à changer les choses est inégale. La Déclaration interinstitutionnelle du 28 juin dernier marque sans doute une étape vers davantage d’exigences à l’importation ; ce que semble confirmer la Commission dans sa communication sur les cages. Le cadre multilatéral mérite également l’attention, en particulier l’Accord SPS1 de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) que plusieurs EM verraient bien intégrer le BEA, à côté de la santé animale à laquelle il est étroitement lié, d’autant que c’est l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE) qui élabore les normes internationales dans les deux domaines. Mais les PT ne sont pas exactement sur cette longueur d’ondes. […]
6. Quelques EM souhaitent une harmonisation des règles en matière de commerce et d’identification des carnivores domestiques. La vente sur Internet est régulée dans certains EM et PT, par le biais de licences, d’accords avec les plateformes, voire d’interdiction du commerce à but lucratif. Le projet français de « certificat d’engagement et de connaissance » ne suscite pas d’intérêt particulier.
7. Les réglementations appliquées aux équidés de sport et de loisir sont disparates, allant de la simple application de celle relative aux animaux de rente jusqu’à des textes spécifiques émanant de l’administration ou des fédérations équestres. Il n’existe pas de demande d’harmonisation pour le commerce, l’identification ou les pratiques douloureuses.