Type de document : Réponse écrite publié au Journal officiel de la République française
Auteurs : Question : Typhanie Degois (La République en Marche – Savoie). Réponse : Ministère de l’agriculture et de l’alimentation
Question : Mme Typhanie Degois attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur l’élevage des poules en cage en France. Une initiative citoyenne européenne initiée le 11 septembre 2018 et actuellement portée par une coalition de plus de cent soixante-dix organisations européennes demandant l’interdiction de l’utilisation de cages d’élevage, a recueilli plus d’un million de signatures. Cette forte mobilisation traduit un engagement grandissant des citoyens en faveur d’une amélioration des conditions de traitement des animaux d’élevage. En la matière, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, constitue une avancée grâce à l’interdiction de mettre en production ou de réaménager tout nouveau bâtiment d’élevage de poules pondeuses élevées en cages. Si cette interdiction traduit certains engagements souscrits à l’occasion des États généraux de l’alimentation visant notamment à faire disparaître l’élevage en batterie de poules pondeuses au profit des élevages alternatifs, la loi ne fixe actuellement aucune échéance en vue de l’interdiction d’élevage de poules en cages. À ce titre, la vente au consommateur d’œufs de poules élevées en batterie devrait être interdite d’ici 2022, mais la France est en retrait sur cet enjeu de société tandis que plusieurs pays européens se sont déjà engagés à interdire les systèmes de production d’œufs issus d’élevages en cages comme l’Allemagne en 2025. Dès lors, au moment où 60,8 % des poules pondeuses sont encore élevées en France par le biais de systèmes de cages, elle lui demande si le Gouvernement entend fixer une échéance à l’interdiction des élevages de poules pondeuses en France au profit des systèmes alternatifs.
Réponse : L’attente sociétale en matière de bien-être animal est de plus en plus forte et y répondre est une nécessité. Le bien-être animal doit être considéré comme un facteur de durabilité des filières animales françaises mais aussi européennes. À l’issue de l’initiative citoyenne européenne (ICE) « End the Cage Age », appelant à interdire les cages pour les poules pondeuses, les lapins, les poulettes, les poulets de chair reproducteurs, les poules pondeuses reproductrices, les cailles, les canards et les oies, les loges de mise bas pour les truies, les stalles pour les truies ainsi que les cases individuelles pour les veaux, la Commission européenne a proposé à l’été 2021 de supprimer progressivement et à terme, d’interdire, l’utilisation de tels systèmes pour toutes ces espèces et catégories, dans des conditions (y compris la durée de la période de transition) à déterminer sur la base des avis de l’European Food Safety Authority (EFSA) et d’une analyse d’impact. Cette étude d’impact qui devrait être achevée d’ici la fin 2022 portera notamment sur la faisabilité d’une entrée en vigueur de la législation proposée en 2027. Il doit en effet être tenu compte de la nécessité d’aider, sur le plan financier notamment, les agriculteurs au cours de cette transition. La Commission précise qu’il conviendra en outre d’examiner les différentes options permettant de parvenir à élever le niveau de bien-être des animaux dans les pays tiers et à introduire sur le marché des produits conformes aux normes européennes. L’amélioration du bien-être animal est une priorité du Gouvernement français.
La législation doit évoluer à la lumière des nouvelles connaissances scientifiques et s’appuyer, comme prévu par la Commission, sur des études d’impacts préalables robustes, au plan des connaissances mais également de l’impact technico-économique des évolutions envisagées. Elles supposent des transformations importantes dans les filières, qu’il faut accompagner pour donner aux acteurs économiques les moyens de les assumer.
La France partage le principe de réciprocité sur le sujet du bien-être animal et le portera dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne afin que les produits importés respectent les mêmes standards que les produits européens. La France s’est d’ores et déjà engagée dans la voie de la suppression des cages pour les poules pondeuses. En effet, l’article 68 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous promulguée le 30 octobre 2018 interdit désormais la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses élevées en cages. L’accélération de la transition vers un modèle d’élevage alternatif est déjà bien engagée puisqu’en 2021, 64 % des poules pondeuses étaient dans des systèmes alternatifs à la cage (contre 19 % en 2008, 33 % en 2016, 37 % en 2017 et 42 % en 2018). Tous les élevages de poules pondeuses en cage ne peuvent cependant être convertis à des systèmes alternatifs à échéance courte sans mettre en difficulté les éleveurs. En effet, en 2012, les éleveurs de poules pondeuses en cage ont dû investir dans la mise aux normes de leurs cages. Les échéances de remboursement des emprunts pouvant aller jusque fin 2026, il est nécessaire que des délais de transition avant l’interdiction européenne soient pris en compte et/ou qu’un dispositif d’accompagnement à la conversion des élevages soit prévu.
Le Gouvernement entend actionner tous les leviers permettant d’accélérer cette transformation. Ainsi, sur le plan européen également, la France œuvre pour améliorer le conditionnement de certaines aides de la politique agricole commune au respect des normes existantes en matière de bien-être animal, par exemple en incluant le respect de la réglementation relative à la protection des volailles de chair et des poules pondeuses dans la conditionnalité.
En vue de l’élaboration du plan stratégique national (PSN) de la PAC post-2020, la France a établi un diagnostic dans lequel l’enjeu du bien-être animal a été analysé dans la fiche diagnostic de l’objectif spécifique I : « Améliorer la façon dont l’agriculture de l’Union fait face aux nouvelles exigences de la société en matière d’alimentation et de santé, y compris une alimentation sûre, nutritive et durable, les déchets alimentaires et de bien-être des animaux ». Ce diagnostic, étape préalable à l’élaboration de la stratégie du PSN, a été validé en conseil supérieur d’orientation de l’agriculture le 5 février 2020. Le projet de PSN, envoyé à la Commission européenne fin décembre, compte bien des mesures d’aides à l’investissement que les régions pourront mobiliser afin d’accompagner les élevages. Le plan de Relance national représente une autre opportunité de développer des pratiques d’élevage plus favorable au bien-être animal. Le soutien apporté aux élevages prend la forme d’un pacte biosécurité/bien-être animal avec les régions. Il s’agit conjointement de permettre aux éleveurs d’investir et de se former pour renforcer la prévention des maladies animales, de soutenir la recherche et d’assurer une amélioration des conditions d’élevage au regard du bien-être animal. Cette action permet notamment de soutenir l’élevage en plein air et d’améliorer la prise en compte du bien-être animal dont la santé est une composante importante.
Enfin, conformément aux engagements gouvernementaux pris en janvier 2020, la nomination dans chaque élevage d’un référent bien-être animal est maintenant effective depuis la publication du décret n° 2020-1625 du 20 décembre 2020 et de l’arrêté précisant les modalités de désignation le 29 décembre 2021. Depuis le 1er janvier 2022 tous les élevages d’animaux domestiques (animaux de rente, de compagnie, équidés) et d’animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité doivent désigner un référent en charge du bien-être animal. Cette nouvelle obligation est assortie d’une obligation de formation pour les référents en élevage de porcs et de volailles. Les référents de ces filières devront s’engager dans un parcours de formations labellisées qui devra être finalisé dans un délai de 18 mois.