Type de document : Commentaire publié dans Science
Auteurs : Jair E. Garcia, Adrian G. Dyer
Résumé en français (traduction) : Pourquoi les animaux veulent-ils ce qu’ils aiment ?
La capacité à éprouver du plaisir ou du déplaisir est créée par le cerveau et comporte donc une composante physiologique. En 1872, sur la base de ses observations des humains et des animaux, Charles Darwin a proposé que l’évolution puisse sélectionner les réactions affectives qui façonnent le comportement, et donc l’aptitude individuelle. Les neurosciences affectives chez les mammifères recherchent des explications mécanistes qui sous-tendent l’expérience du plaisir ou du dégoût. Récemment, le rôle de la dopamine a été réévalué, montrant qu’il s’agit d’un important neuromodulateur de l’envie plutôt que du goût des récompenses. À la page 508 de ce numéro, Huang et al. montrent que la régulation du neurotransmetteur dopamine est également une composante importante de la motivation de l’envie chez les abeilles domestiques (Apis mellifera). Cela suggère que les avantages en termes de fitness d’un système de motivation de désir régulé par la dopamine sont susceptibles d’être conservés et peuvent expliquer le comportement d’un large éventail d’animaux.
Chez l’homme et les autres mammifères, des circuits cérébraux analogues sont activés par l’envie ou le désir d’une récompense. Par exemple, différents types de récompenses, comme la nourriture, le sexe, les drogues addictives et même diverses formes de travaux artistiques vécus, montrent qu’ils stimulent de manière similaire un réseau cérébral comprenant le cortex préfrontal, le pallidum ventral et l’amygdale du cerveau des primates. De plus, des structures cérébrales communes aux mammifères, telles que l’amygdale chez les rongeurs, montrent également une activation lors du désir d’une récompense. Cela suggère l’existence d’un réseau de récompense commun potentiel composé de régions cérébrales en interaction qui sous-tendent les expériences de récompense. Un élément important d’un tel système de récompense est la régulation de la dopamine, qui contribue à moduler la motivation incitative, c’est-à-dire le désir de certaines récompenses […].
Les résultats de l’étude de Huang et al. indiquent que les abeilles domestiques partagent avec les mammifères des mécanismes neuronaux communs pour coder le désir de stimuli ayant une valeur hédonique positive. Ainsi, comme l’avait prévu Darwin il y a 150 ans, l’évolution a probablement façonné des mécanismes de désir qui améliorent la condition physique des animaux, en éprouvant du plaisir grâce à des aliments nutritifs ou en déclenchant des réponses à des stimuli émotionnels liés à des circuits cérébraux de survie. À l’inverse, un déséquilibre de ce mécanisme peut avoir des effets négatifs sur la condition physique en favorisant, par exemple, des pathologies telles que la dépendance […].
Comme l’abeille à miel continue d’être un modèle essentiel de ce qui peut être réalisé avec un cerveau miniaturisé, la compréhension des mécanismes neuronaux de la volonté et la preuve de la variabilité entre les individus, en fonction de l’expérience acquise, sont instructives pour expliquer différents comportements animaux.
Résumé en anglais (original) : The ability to experience pleasure or displeasure is created by the brain and therefore has a physiological component. In 1872, based on his observations of humans and animals, Charles Darwin proposed that evolution may select affective reactions that shape behavior, and thus individual fitness. Affective neuroscience in mammals searches for mechanistic explanations that underpin the experience of liking or disgust. Recently, the role of dopamine was reevaluated, showing that it is an important neuromodulator for wanting rather than liking rewards. On page 508 of this issue, Huang et al. show that regulation of the neurotransmitter dopamine is also an important component of the motivation of wanting in honey bees (Apis mellifera). This suggests that the fitness benefits of a motivation wanting system regulated by dopamine are likely to be conserved and may explain behavior in a wide range of animals.
In humans and other mammals, analogous brain circuitry is activated by the wanting or desire for a reward. For example, different reward types such as food, sex, addictive drugs, and even various forms of experienced artwork show evidence of stimulating a brain network that includes the prefrontal cortex, ventral pallidum, and amygdala of the primate brain in a similar manner. Additionally, common mammalian brain structures, such as the amygdala in rodents, also show activation to wanting a reward. This suggests a potential common reward network of interacting brain regions that underpin rewarding experiences. An important component of such a reward system is the regulation of dopamine, which helps modulate incentive motivation, the wanting for certain rewards. […]
Results from the study of Huang et al. indicate that honey bees share with mammals common neural mechanisms for encoding the wanting of stimuli with positive hedonic value. Thus, as anticipated by Darwin 150 years ago, evolution likely shaped wanting mechanisms that improve animal fitness, by experiencing pleasure from nutritious food, or triggering responses from emotional stimuli linked to survival brain circuits. Conversely, an imbalance of this mechanism may have negative effects on fitness by, for example, promoting pathologies such as addiction. […]
As the honey bee continues to be a key model for what can be achieved with a miniaturized brain, understanding the neural mechanisms of wanting and the evidence of variability among individuals, depending upon acquired experience, is informative for explaining different animal behaviors.