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Gestion des populations et BEA

La filière de faisans et perdrix « chair à canon » pour la chasse dans le viseur d’une association

By 26 octobre 2024novembre 6th, 2024No Comments

Type de document : article publié dans 20 minutes

Auteure : Elsa Provenzano

Extrait : Tous les ans, entre 400 à 500 éleveurs produisent de 10 à 20 millions d’animaux pour la chasse, en France. Des chiffres qui en font le leader européen de la production de gibiers. L’association Nos Viventia (Nous les vivants) vient de rendre publique une enquête d’un an sur la filière d’élevage des perdrix et faisans pour alerter sur ces pratiques méconnues. Selon elle, les volatiles sont destinés à devenir de la « chair à canon » pour des chasseurs en manque de cibles depuis que la biodiversité a commencé à décliner, dans les années 1970. Pour l’interprofession de la chasse, l’association présente une « réalité travestie » alors que la filière est « vertueuse » et « contrôlée ». Les lâchers dans la nature de ces animaux sauvages élevés en captivité interviennent massivement les week-ends entre septembre et novembre, partout en France.

Défauts de soins dans les élevages ?
L’association a porté plainte auprès des parquets d’Agen et de Nantes, pour défaut de soins contre deux sites de productions sur lesquels elle a pu recueillir des éléments concrets, avec l’aide de lanceurs d’alerte, implantés en Loire-Atlantique et en Lot-et-Garonne. « Elle a aussi lancé une pétition en ligne qui a récolté plus de 4.000 signatures dans le but d’obtenir à terme l’interdiction de l’élevage pour la chasse. « On n’a pas ciblé des entreprises en particulier, on a filmé là-bas parce qu’on en a eu l’opportunité, explique Pierre Rigaux, écologue et fondateur de Nos Viventia. Mais on sait que toutes ces entreprises emploient les mêmes process. » « Je suis serein face aux élucubrations d’un pseudo-naturaliste », rétorque Jean-Christophe Chastang, président d’InterProchasse. Il assure que les éleveurs de gibiers, qui sont agrémentés, soignent leurs animaux quand ils sont malades, et ont recours à un « vétérinaire sanitaire ». Il soupçonne l’association de vouloir jeter le discrédit sur des « amoureux de la nature et des animaux ».

Des oiseaux qui supportent mal la captivité
Sur les images de Nos Viventia, on voit des oiseaux entassés dans des volières, parfois blessés et visiblement hostiles les uns envers les autres. « Ils supportent beaucoup moins bien la captivité que les poules, par exemple. Ils sont très territoriaux et gardent un caractère sauvage qui les conduit à beaucoup s’agresser entre eux », pointe Pierre Rigaux. Quand ils ont suffisamment grandi, et qu’un premier tri a déjà emporté les plus faibles, les éleveurs apposent des anneaux aux perdrix et des couvre-becs aux faisans pour limiter un peu la mortalité. « Sans les couvre-becs, ils s’entretueraient », estime Pierre Rigaux. « Les faisans sont un peu plus agressifs que les perdrix mais les éleveurs ne les équipent pas systématiquement de couvre-becs », relativise le président de l’Interprofession. Dans la nature, ces animaux évoluent au sein de petits groupes sociaux alors qu’en captivité, ils se retrouvent en contact, selon l’association, avec des milliers de congénères, du même âge. « Les animaux sont dans des volières immenses de 200 mètres de long avec des biotopes reconstitués, s’insurge Jean-Christophe Chastang. La densité d’animaux est extrêmement faible et ils sont élevés en plein air, ce n’est pas de l’intensif. »

Une rentabilité au mépris du bien-être animal ?
Mais selon l’association, ces élevages sont forcément intensifs pour être rentables. « La perte est intégrée dans leur modèle. S’ils visaient zéro agression, il faudrait seulement quelques oiseaux par volière et cela ne fonctionnerait pas, estime Pierre Rigaux. Les éleveurs ne les soignent absolument jamais car sinon ce ne serait pas rentable. Cela ne peut pas fonctionner autrement. » Une information démentie par la profession qui explique qu’il n’y a pas de surmortalité dans ses élevages.
L’élevage d’animaux pour la chasse est une pratique controversée au sein même du milieu de la chasse. Certains considèrent que ce n’est pas de la « vraie chasse ». Et à voir des animaux errants, un peu perdus, débarqués dans le milieu naturel, on peut juger les lâchers très peu « fair-play ». Sur dix oiseaux lâchés, seuls deux seront peut-être effectivement chassés et très peu survivent dans le milieu naturel, selon les estimations de l’association. Plus inquiétant encore, des études récentes ont montré que l’écosystème pâtit de l’irruption des volatiles en nombre dans un secteur réduit puisqu’ils ont, par exemple, un impact négatif sur les populations de lézards et serpents, déjà fragilisées. Et lorsque les volatiles élevés en captivité se reproduisent avec les sauvages ils contribuent à un affaiblissement génétique de leur race. « Ils donnent naissance à des oiseaux moins aptes à supporter des maladies ou à digérer leurs nourritures, etc. », assure l’écologue.

Extrait du site de 20 minutes